La tolérance ne suffit plus

La rencontre interreligieuse nous semble être un des éléments fort de la cohésion sociale. Rarement dans l’histoire de l’humanité autant de religions et de courants de pensée ont été rassemblés en un même lieu, à une même époque. Néanmoins, aujourd’hui la tolérance n’est plus une garantie suffisante pour le vivre ensemble. La simple acceptation de l’autre, dans une coexistence mutuelle et respectueuse ne peut répondre à notre situation nouvelle. Aussi, nous faut-il aller au-delà de la rencontre interreligieuse pour aller vers le dialogue « interconvictionnel ». Une notion née il y a une vingtaine d’années qui invite à une pratique du dialogue prometteuse. C’est pour cela que Dhagpo Bordeaux, dans son développement, envisage la mise en oeuvre de telles rencontres.

L’intime conviction

La conviction s’oppose au préjugé. Elle permet de passer de l’ignorance à la connaissance, du jugement à la conscience personnelle. Elle se construit au fil de l’histoire de vie de chacun, elle est le fruit de réflexions et d’expériences individuelles, l’aboutissement (parfois provisoire) d’un examen critique renouvelé. Bien plus qu’une croyance, elle dépasse évidemment les opinions.

Nous pouvons expliquer, même démontrer nos convictions aux autres, car elles sont le fruit d’un processus intime. Elles peuvent justifier notre engagement pour une cause. Les convictions concernent autant la pratique d’une éthique personnelle que l’engagement social, autant une démarche politique que l’adhésion à une religion ou une spiritualité. Nos convictions s’enracinent en nous en profondeur, elles sont liées à l’élaboration de nos valeurs qui guident nos choix dans la plupart des circonstances de la vie (même si la vie nous montre combien il est parfois difficile de vivre nos convictions au quotidien).

Un véritable enjeu s’impose à nous lorsqu’il nous faut rencontrer, échanger, collaborer, bref, vivre avec des personnes de convictions différentes, voire opposées aux nôtres. C’est ici que l’exercice du dialogue devient incontournable, ”le dialogue interconvictionnel”.

Le dialogue est à chaque fois un défi

Le dialogue est à chaque fois un défi

L’interconviction

L’autre est l’espace privilégié pour forger et développer nos convictions. L’autre est irréductible à notre propre réalité ; pour le rencontrer, il nous faut nous ouvrir à son questionnement, à sa critique. Si le dialogue est authentique, l’autre est prêt à écouter les notres. « Le dialogue interconvictionnel est le milieu vital de la conviction, le lieu de sa vérification, sa sauvegarde. »

Néanmoins, un tel dialogue est à chaque fois un réel défi. Si nous sommes mûs par un désir honnête de rencontre, de découverte et de reconnaissance, nous sommes prêts alors à mettre en jeu nos convictions, à les exposer à la remise en question, explorant alors le terrain fertile de l’enrichissement mais aussi de la vulnérabilité. Le risque de la rigidité reste en embuscade : nous rabattre dans le déni ou la dévalorisation des convictions de l’autre, ou encore dans la minimisation des différences. Bref, rater le rendez-vous est toujours possible : les préjugés et les peurs peuvent nous emmener sur les rives du dogmatisme, sans qu’il ne dise même son nom.

La rencontre interconvictionnelle ne s’improvise donc pas. Elle demande un apprentissage, des règles, une culture du dialogue. A ce titre, Albert Camus, en 1950, donne un éclairage inspirant sur ce qu’est le dialogue : « Je n’essaierai pas de modifier rien de ce que je pense, ni rien de ce que vous pensez (pour autant que je puisse en juger) afin d’obtenir une conciliation qui nous serait agréable à tous. Au contraire, ce que j’ai envie de vous dire aujourd’hui, c’est que le monde a besoin de vrai dialogue, que le contraire du dialogue est aussi bien le mensonge que le silence, et qu’il n’y a donc de dialogue possible qu’entre des gens qui restent ce qu’ils sont et qui parlent vrai. » C’est sans doute à cette condition que la confrontation devient productive.

Quelles convictions ?

Il s’agit de sortir des limites de l’interreligieux et ouvrir la rencontre autant aux traditions religieuses qu’à d’autres formes d’engagement personnel non confessionnels comme l’athéisme ou l’humanisme. Il ne s’agit pas d’échanger pour le principe ou sur des principes uniquement, mais de questionner notre présence et nos engagements dans le monde. Le propos de l’interconvictionnalité est d’ouvrir un débat citoyen entre citoyens.  Son champ d’application est d’abord celui des associations de la société civile afin de participer à la cohésion sociale.

Quels effets peuvent avoir des paroles échangées, même si ce sont des paroles de vérité ? C’est Jigmé Rinpoché  dans son ouvrage d’entretiens « Le Moine et le Lama » qui donne un élément de réponse : « Chacun continue évidemment de suivre sa propre voie, mais le dialogue réussi devient puissant facteur de paix et d’harmonie qui étend ses effets bien au-delà du cercle des pratiquants directement concernés. »

Notre démarche consiste à sortir du principe de non contradiction : s’il y en a un qui a raison, les autres ont donc tort ! D’ailleurs, il ne s’agit pas ici d’avoir tort ou raison, mais d’éprouver le vivre ensemble dans la multiplicité de nos convictions au coeur de la laïcité. C’est une affaire d’estime mutuelle.

Puntso

Sources :
L’interconviction de Bernard Quelquejeu.
Le Moine et le Lama de Dom Robert Legall et Lama Jigmé Rinpoché, Editions Fayard
La citation d’Albert Camus est issue de Actuelles Ecrits Politiques, Gallimard Paris 1950 et citée dans la présentation du G3i

La déception ? Une alliée !

Une relation est un long chemin à parcourir à deux. C’est une rencontre qui se nourrit, s’approfondit. C’est l’opportunité de se rencontrer soi-même et l’autre. C’est un chemin de réajustement, de clarification. C’est aussi un chemin de déception et de découvertes réjouissantes.

Sans que nous nous en rendions toujours compte, notre fonctionnement qui ne nous permet d’avoir accès qu’à notre propre représentation de notre réalité et à celle de l’autre, nous amène à éprouver déception et contrariété. Je ne l’aurais pas cru capable de faire ceci, de dire cela, il ou elle me déçoit…

Mais qu’est-ce que la déception ? La déception envahit l’esprit, elle fait douter de soi, de l’autre, elle suscite la colère et le rejet. Mais à bien y regarder, la déception montre que ma vision de l’autre, de la situation et même de moi-même n’était pas juste.

Je n’ai accès qu’à ma vision de la réalité, et le meilleur moyen de sortir de mes représentations figées, c’est d’accueillir la déception comme opportunité de rencontrer le non su, le non vu, l’inconnu. C’est l’opportunité d’un réajustement, parce que ce que j’envisageais comme « une évidence » n’est pas la réalité !

Accepter que ma vision ne soit pas juste puisque les circonstances me prouvent que les choses ne se passent pas toujours comme je le voudrais, que les êtres ne sont pas nécessairement tels que je me les représente. Et que s’ils sont différents de ce que je croyais, cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas justes, ni bons, ni intelligents. Ils sont autres, différents de ma représentation, c’est tout.

culpabilite

Je n’ai accès qu’à ma vision de la réalité

Intéressant d’aller voir du coté de l’étymologie, (« deceptio » du latin tardif) signifie « tromperie », « tromper ». Face à une déception nous avons tendance à croire que ce sont les autres qui se trompent, qui nous trompent, lorsque nous sommes déçus, alors que c’est « moi » qui me suis trompée en envisageant l’autre comme je voudrais qu’il soit !

Si je suis déçue, je me trompe et à moi d’en assumer la responsabilité sans jeter la pierre sur celui ou celle qui me déçoit. Plus facile à dire qu’à vivre bien souvent ! Lorsque nous sommes déçus, nous ressentons que c’est l’autre, les autres qui nous déçoivent et non pas que nous nous sommes trompés dans notre représentation.

Par exemple, je pense que mon amie me connait suffisamment pour reconnaitre mes compétences, ma valeur, mes forces, mais aussi mes manques, mes lacunes ou mes fragilités. Or, sur un point qui pour moi est très important, supposons la reconnaissance de ma place dans une entreprise, en une phrase, elle m’en dénie la légitimité : « ce qu’il faudrait ici, c’est une autre secrétaire « , et ce, devant tous mes collègues ! Or, je suis secrétaire…

Imaginez ma déception ! J’entends mon amie dire qu’il faudrait une secrétaire « autre », plus compétente que moi ; mais peut-être qu’elle voulait dire c’est : « il faudrait une secrétaire supplémentaire » ! Comment savoir si ce n’est en clarifiant avec elle, seulement la déception dresse une barrière entre elle et moi, ma colère invalide une quelconque discussion et je reste enfermée sur mes doutes !

Trungpa Rinpoché, un maitre bouddhiste tibétain dit à propos de la déception dans son ouvrage « Pratique de la Voie Tibétaine » : « La déception manifeste que nous sommes fondamentalement intelligents. On ne peut la comparer à rien d’autre ; elle est si nette, précise, évidente et directe. Si nous pouvons nous ouvrir, nous commençons soudain à voir que notre attente n’est pas pertinente, comparée à la réalité des situations que nous affrontons, et automatiquement surgit un sentiment de déception. »

La déception, une porte d’entrée vers plus de clarté, voilà à quoi nous incite cette réflexion. Rencontrer la déception, y voir nos attentes déçues, et réajuster notre regard sur nous-même et sur les autres. L’entrainement sur la chemin bouddhiste nous invite à regarder notre fonctionnement avec bienveillance et développer une plus grande clarté sur nos dysfonctionnements, afin d’aller vers plus discernement et de générosité.

Anila Trinlé

L’impermanence (page collective)

Une page collective, composée grâce à la participation de tous ceux qui ont répondu à notre proposition. Le thème : l’impermanence, le temps qui passe, le processus organique du changement, la réalité de la transformation. La question était : comment la vivre ?
Merci à tous ceux qui ont pris le temps de répondre. ce qui suit en est le fruit : textes et photos, poésie et science, citations et pensées… Laissez vous guider


P1050749

L’impermanence et l’éphémère

Pour moi, les « sakura » sont ce qui me rappelle le mieux l’impermanence. Tellement beau, tellement foisonnant et en même temps si éphémère. Le simple fait de voir éclore les fleurs, c’est déjà les savoir bientôt parties …
Bénédicte

 une photo de mon fils, marchant dans le square face de chez nous, sous la pluie de pétales roses.


une photo de mon fils, marchant dans le square face de chez nous, sous la pluie de pétales roses.

L’impermanence se comprend aisément,

sur les choses et les objets : la belle table dont nous faisons très attention, nous constatons un jour une écaille dans le bois, ou un changement de couleur ; l’arbre perd ses feuilles et grandit, la fleur fane, le corps change, les rides apparaissent etc… tout ceci sont des représentations matérielles évidentes.

il y a longtemps que je me suis posée la question sur la perte du matériel, car j’avais souvent en tête les guerres,  les éléments (feu, eau ..)qui détruisent tout, donc je devais relativiser mes besoins et mes désirs.

Qu’en est-il des sentiments ? eux aussi se modifient avec le temps :

des amis que nous n’apprécions plus, des êtres auxquels on vouait un grande admiration, nous réalisons que c’était un leurre et nous n’y portons plus le même intérêt ni la même admiration, des êtres que l’on aimait que l’on n’aime plus, et vice versa.

Les sentiments sont une impermanence immatérielle. Là, j’ai beaucoup plus de mal à vivre cette impermanence, car la compréhension de cet état de fait peut avoir une conséquence  de comportement désastreuse sur les relations humaines ; en effet, certains peuvent penser qu’ étant donné que tout change, ils peuvent se dire  « peu importe mon attitude, mon comportement, c’est ainsi, puisque  tout change !  » et devenir les rois, les reines des mufles.

Tout ceci nous amène à nous poser la question de l’ attachement, si l’on considère le matériel et l’immatériel, la souffrance sera-t-elle la même ?

Anne-Marie

 l'impermanence c'est l'instant présent, qui devient en quelques fractions de secondes du passé, qui se transforme et se conjugue au futur. Mais en sommes nous bien conscient de cela ?


l’impermanence c’est l’instant présent, qui devient en quelques fractions de secondes du passé, qui se transforme et se conjugue au futur. Mais en sommes nous bien conscient de cela ?

L’impermanence chocolat

SENSATIONS

6h50 Mes yeux s’ouvrent avant la sonnerie du réveil.
J’enfile mes vêtements dans le noir et le silence.
Très vite.
J’ai froid.
Dehors l’air est saturé d’eau.
J’entraperçois la lune alors que le ciel aspire les nuages.
La voiture.
La route presque déserte, les réverbères blafards.
La radio me cisaille le cerveau.
Nuit d’insomnie.
Je me sens bizarre.
Projetée dans un monde inconnu.

7h30 Mon quartier est désert, silencieux.
Tout est gris. Pas gris-souris, non. Gris-sali.
Les livres, les photos, la lumière douce, le bouddha, je suis chez moi.
Une douche, un thé aux agrumes.
J’ai réintégré le monde.

7h50 Sonnette. Déjà !
Le paquet annoncé est décidément matinal.

Aquarelle Gourmand – Collection de douceurs.
Je m’attarde sur les deux premiers mots. Je flâne.
Mariage inattendu de la légèreté, du diffus, de l’aérien et du plein, du rond en bouche, du presque charnel.
L’Elégance se tient devant mes yeux.
Chic et sobre. Toujours.

J’ouvre la boite.
Ravissement.
Joli tableau de petits chocolats si délicats.
Un air japonais.
Chacun possède sa personnalité que j’ai hâte de découvrir.

Mais je ne veux rien précipiter.

Ce serait leur faire offense.

11h Eclats de pistache : croustillant enfantin et note d’amande.
Je l’adopte.

11h10 Noix d’Amérique : praliné – noix de pécan.
Amertume à l’accent caramélisé.
Surprise délicieuse.
J’adore.

13h15 Pomme à l’envers : compote de pomme et chocolat
D’une audace folle et loufoque.
Je craque.

16h20 Caprice : crème brûlée
Brume veloutée de vanille.
J’aime.

17h15 100% : l’enrobage de chocolat noir cède sous ma dent et me livre l’onctuosité
sombre-amère. J’explore absolument. Une note de réglisse en touche finale.
Je succombe.

20h30 Mon regard erre sur la table : tasse de tisane, lunettes, petit cheval de bois du
Sud-Népal, bâton d’encre de chine.
Je lis la notice : Nous vous recommandons de déguster vos chocolats dans le mois qui suit leur réception.
J’éclate de rire.

20h35 Ombre chinoise : zut ! Je me suis trompée ! Je viens de croquer dans 100% !!!
Vite, rincer ma bouche afin que ma nouvelle découverte ne soit
pas compromise.
Je reprends.

20h40 Ombre chinoise : dosage exact du thé et du jasmin.
Mon palais accueille la Chine et l’Inde.
Je m’incline devant tant d’équilibre.

Tendre noisette me fait de l’œil…

Hatsu hotaru
Tsui to soretaru
Te kaze kana

Là puis envolée
La première luciole –
Du vent dans ma main.

ISSA

 De mon point de vue l'impermanence a "deux versants " : un relatif et un ultime. En résumé un dans l'espace et dans le temps, engendrant des causes et des effets qui sont en essence vides, avec des notions de juste ou d'erroné. De l'autre, une autre "réalité " en dehors du temps et de l'espace qui génère de l'énergie. Les deux conjuguant l'instant, formant une même entité. Voilà ou j'en suis aujourd'hui .J'ai conscience que le chemin sera long ...! Pedro


De mon point de vue l’impermanence a « deux versants  » : un relatif et un ultime. En résumé un dans l’espace et dans le temps, engendrant des causes et des effets qui sont en essence vides, avec des notions de juste ou d’erroné. De l’autre, une autre « réalité  » en dehors du temps et de l’espace qui génère de l’énergie. Les deux conjuguant l’instant, formant une même entité. Voilà ou j’en suis aujourd’hui .J’ai conscience que le chemin sera long …! Pedro

L’impermanence quantique
Regard d’un observateur devenu un adepte du bouddhisme.
La résonance qu’a le Bouddhisme dans ma vie, et notamment certains préceptes, est celle qui évoque mes années passionnées autour de la physique. Cela peut paraître éloigné mais ne l’est pas à mon sens.
Quand je me suis mis à étudier un peu plus profondément par curiosité notre système solaire et par là même l’agitation physique de la matière, il m’a fallu ouvrir des portes qui elles-mêmes ouvraient d’autres portes, mais, l’exercice le plus difficile fut d’admettre l’incompréhensible : «  la mécanique quantique » et sa théorie, et encore au-delà, la nature du comportement de la matière !!!
Pour essayer de comprendre, j’ai réécrit ligne par ligne la théorie de la relativité restreinte {merci Mr Einstein dont la clarté des écrits m’a beaucoup aidé} en essayant d’admettre la nature de cette théorie mais surtout de la conceptualiser. En tout humilité.
Deux phénomènes émergent de tout cela, deux phénomènes qui donnent un sens aux mots « intrications » et « impermanences » que l’on retrouve dans le Bouddhisme.
Le 1er phénomène est la nature dualiste de la lumière, un moment « onde » un autre « corpusculaire », ce qui veut dire que la nature même de cette énergie peut passer à tout moment d’un  état à un autre, il n’y a donc pas de « permanence » d’état dans ce qui nous est de plus cher dans ce monde, la lumière !!
Toujours dans l’impermanence, la nature quantique de la matière qui peut être ici et là en même temps !! Assez affolant mais vérifié par les plus imminents physiciens.
Excusez-moi d’intégrer cette particularité dans ce thème qu’est l’impermanence, je veux parler de l’intrication, car je crois qu’elle va de pair avec l’impermanence…
L’intrication. Ce très troublant comportement de la matière… Qu’est-ce donc d’un point de vue physique ? Un photon (ou une particule de matière) est scindée en deux parties sécables,   l’une est envoyée dans un sens à la vitesse de la lumière, l’autre dans le sens opposé toujours à la vitesse de la lumière, les inter-distances sont conséquentes {Environ 20km}, mais lorsque l’on change l’état d’une des deux particules ou photons, instantanément, l’autre particule sœurs elle aussi  change d’état {je simplifie l’expérience} !!! Cela veux donc dire que l’information peut/va plus vite que la vitesse de la lumière, ou qu’il existe dans ce monde la non-localité et que tout est intriqué !!
Tout ceci pour exprimer pour partie ce qu’est l’impermanence d’un point de vu physique et finalement philosophique.
La Bouddhisme, de ce que  j’en sais aujourd’hui, démontre l’ impermanence des choses, par l’état de nos pensées, de nos vies, de nos idées, de nos comportements etc……….cette clairvoyance, d’une grande sagesse et subtilité de l’esprit , fut éprouvée par les grands maîtres et leurs visions d’une grande lucidité sur la nature des êtres.
Depuis j’ai admis que cette « impermanence » était un fait d’un point de vu philosophique et qu’au travers du Bouddhisme, relevait d’une évidence qui ne peut souffrir de contre vérité tellement elle s’impose à nous, ma vie change, petit à petit. Elle me fait accepter la réalité de la vie dans son expression la plus noble et calme mon esprit.
Un exemple concret. Je pratique la course à pied régulièrement, il m’arrive parfois (souvent) de souffrir, alors je mets en pratique ce que l’impermanence impose, le pas que je viens de faire n’est plus à faire, celui à venir pas encore là, reste « mon » pas qui lui est là, présent… mais qui ne sera plus quelques secondes plus tard et cela m’aide à ne pas me disperser dans des pensées perturbatrices souvent négatives….
Je ne sais si mon plaidoyer est clair et s’il peut être admis et compris, mais plus simplement je suis sûr aujourd’hui, que le bouddhisme possède cette clairvoyance profonde en rapport avec l’essence même de la nature physique des choses et de l’homme et qu’elle est, de plus, salvatrice pour tout un chacun à partir du moment où l’on admet que cette impermanence comprise est une libération.
Avec tout le respect qu’il se doit pour tout un chacun et à vous-mêmes.
Stéphane

 L impermanence... C est aussi l'espoir que le présent douloureux s'éloigne, que l'heureux le devienne d'une autre manière...  C est l'essence de la vie.. Dominique


L impermanence… C est aussi l’espoir que le présent douloureux s’éloigne, que l’heureux le devienne d’une autre manière…
C est l’essence de la vie..
Dominique

L’imperma-danse

Comment la vivre ?
 comme une danse ou chaque mouvement est l’origine du suivant, souplement, comme un jeu, comme inévitable, comme une joie comme une découverte, comme un défi à l’équilibre.
 Comment la vivre ? 
Mais… il faut apprendre à danser ! 
mais…. il faut apprendre à surfer sur la vague !
 Mais….. il faut apprendre à se passer du long bâton quand on marche sur la corde raide !
 et souvent
je tombe
je pleure,
j’ai mal
je n’en peux plus,
ce je est tant et tant ! Je n’y vois plus rien !!!!
 Il m’étouffe, ou est il ? 
Mais j’apprends à danser, c’est comme ça
ça passe, ça s’arrête, ça penche, ça pense
ça continue,
 c’est la danse,
l a danse.
imperma-danse

Morgane

L’impermanence comme immuable

 Des nuages à la mélancolique beauté Serrés les uns contre les autres                 comme immuables Mais aussi des nuages chassés par le vent Et laissant le soleil nous caresser  Juste l'instant Michèle (photo et texte)


Des nuages à la mélancolique beauté
Serrés les uns contre les autres
comme immuables
Mais aussi des nuages chassés par le vent
Et laissant le soleil nous caresser
Juste l’instant
Michèle (photo et texte)

Impermanence et émotion

La réalité de chaque instant, le corps, l’esprit et tout ce qui nous entoure se transforment. Tout ceci nous aide à réaliser ce qui est important, quelle est la transformation intérieure la plus juste, face à ce qui, finalement, marque l’illusion. L’émotion devrait être là pour nous montrer ce qu’il y a à changer en nous, elle devrait être comme une sonnette d’alarme qui nous pousserait à réfléchir et non à la saisir (l’émotion). On ne peut arrêter l’impermanence mais la comprendre pour se transformer et donc respecter cette réalité. J’ai beau savoir, à peu près ce qu’elle est mais je me vois souvent entraînée par l’émotion.

Gaétane

L’impermanence de Néruda 

Amis, voila ce que je veux,
C’est presque rien et presque tout.
J’ai tant vécu qu’un jour
vous devrez m’oublier inéluctablement,
vous m’effacerez du tableau :
mon cœur n’a pas de fin.
Mais parce que je demande le silence
ne croyez pas que je vais mourir :
c’est tout le contraire qui m’arrive
il advient que je vais me vivre.
Il advient que je suis et poursuis.
Ne serait-ce donc pas qu’en moi
poussent des céréales,
d’abord les grains qui déchirent
la terre pour voir la lumière,
mais la terre mère est obscure,
et en moi je suis obscur :
Je suis comme un puits dans les eaux duquel
la nuit dépose ses étoiles
et poursuit seule à travers la campagne.
Le fait est que j’ai tant vécu
que je veux vivre encore autant.
A présent, comme toujours, il est tôt.
La lumière vole avec ses abeilles.
Laissez-moi seul avec le jour.
Je demande la permission de naître.
Pablo Neruda

Envoyé par Isabelle

 Le temps est un bel exemple d'impermanence ! Isabelle


Le temps est un bel exemple d’impermanence !
Isabelle

 

Accueillir l’impermanenceEn 1997, lors d’un enseignement de quelques jours sur le lâcher-prise dans votre centre de méditation bouddhiste en Dordogne, j’ai fait connaissance avec le thème de « l’impermanence ». Ma vision personnelle du mouvement de la vie s’est considérablement modifiée.Je me suis mise à accueillir le changement. L’accueillir, le reconnaître et me l’autoriser…

Ceci me parait être un des principes de base pour nous remettre en question, nous transformer et renaître dans l’épreuve.

L’impermanence est à mon sens l’outil de la non-saisie. Cette attention au mouvement constant de la vie qui nous renseigne sur les possibilités du moment. Puis vient celui de l’intention, qui est une action de volonté !

L’attention renforce et l’intention transforme…

Joelle

inconnu

 

Merci aux peintres et photographes. Nous avons associés les photos avec des phrases envoyées.
Il y avait une vidéo mais le format ne passait pas.
Il se peut que l’une ou l’autre participations ne se retrouve pas sur la page.
rendez-vous pour la prochaine page collective…

La page collective : l’impermanence

Une page collective du blog de Dhagpo Bordeaux,
c’est chacun qui participe à l’élaboration d’une page créative sur un thème commun.
Cette fois-ci, le thème est « l’impermanence »

C’est quoi ?
Si chacun envoie une photo, un texte (500 mots environ), une dessin ou encore une vidéo, nous pourrons en faire une page collective. Nous choisirons parmi les propositions pour en faire un reflet de nos réflexions.

L’échéance
Nous avons trois semaines pour envoyer nos créations. Nous sommes le 20 juillet, les propositions doivent arriver avant le 9 août.

Le thème : l’impermanence
L’impermanence signifie que tout change sans cesse. La difficulté est que tout ce qui nait, tôt ou tard meurt ; tout ce qui est rassemblé, à un moment ou à un autre se sépare ; tout ce qui est accumulé, finalement se perd. Mais aussi, c’est l’impermanence qui nous permet de nous remettre en question, de nous transformer, de renaître à nouveau.  L’impermanence est un processus organique, une réalité. La question est : comment la vivre ?

Donc
C’est la première page collective que lance le blog de Dhagpo Bordeaux. Si cela marche, il y en aura d’autres. C’est une façon de réfléchir ensemble à l’essentiel, là où nous sommes. C’est l’esprit de ce blog : des horizons différents, des regards croisés, des visions qui se rencontrent.

Comment participer ?
Quattre façons d’envoyer vos propositions : par mail à dhagpobordeaux@gmail.com ou alors par :

twitter         facebook         google+

 

 

impermanence

 

 

Quatre entrées en la voie du milieu

La voie médiane est un moyen de ne pas se faire piéger. Elle n’est pas un consensus mou, elle est la brèche à trouver dans chaque situation, un déséquilibre stable. La voie du milieu est un entrainement, une façon d’éprouver les situations sans se faire illusionner.

Quatre exemples :

1. La voie du milieu des émotions 

Nous sommes sans cesse soumis aux émotions, elles colorent notre esprit, elles décident de notre perception. Bien souvent, elles agissent à notre insu.

– Extrême 1 : nous taisons l’émotion, on s’assoit dessus, on la colle au placard, bref, on la refoule. C’est alors la cocote minute qui, doucement, se met sous pression.

– Extrême 2 : nous exprimons l’émotion, malgré nous ou volontairement. « C’est de l’énergie qui se consume », se dit-on. Mais exprimer l’émotion a des conséquences et en plus, elle aveugle.

– Le milieu : apprivoiser l’émotion. Nous ne sommes plus dupe, on sait quand elle s’élève, on en connait les effets et au final, elle se dissipe. Peu à peu, elle ne nous contamine plus, il y a suffisamment d’espace pour la laisser être.

2. La voie du milieu de l’erreur 

Se tromper est inhérent à l’action. Que ce soit par le manque ou par l’excès, la justesse nous fait défaut. Trop de causes et trop de circonstances que pour maîtriser les situations, l’erreur nous dépasse.

– Extrême 1 : nous culpabilisons. Nous ne collons pas à ce que nous devrions être, nous nous sentons hors cadre. On se pense mauvais avec un sentiment d’irréparable. On est mal.

– Extrême 2 : on s’en fout, même pas mal, même pas peur. On plonge dans la négligence. On préfère regarder ailleurs. On verra plus tard.

– Le milieu : reconnaître l’erreur. Elle n’est jamais aléatoire, elle nait d’un contexte,  elle a son histoire. Elle est un symptôme et nous donne des clés. On peut réparer, on peut en apprendre.

3. La voie du milieu de la relation

Nous sommes toujours en relation. Parfois on aime, parfois non, parfois ça le fait et parfois ça gratte mais, toujours, nous sommes en lien. L’altérité nous interpelle, l’autre nous questionne, juste par ce qu’il est.

– Extrême 1 : complaisant, nous nous adaptons a tout prix ;  indulgent, toujours nous pardonnons. La relation est mièvre, fade, même si on fait bonne figure.

– Extrême 2 : intolérant, nous jugeons. L’autre est trop différent pour nous ; sourde condamnation de ce qu’il dit, de ce qu’il fait, de ce qu’il pense, même si on fait bonne figure.

– Le milieu : comprendre l’autre. Il est comme nous, il est vivant. Il cherche, pour sa pomme. Il navigue comme il peut, insatisfait.  Et il peut changer.

4. La voie du milieu de la méditation 

La méditation est un entraînement à la non distraction. Elle ouvre à un autre mode de connaissance de nous-mêmes et donc des autres. Elle pacifie et clarifie l’esprit.

– Extrême 1 : il n’y a rien à faire, on se relaxe, on se détend. Nous recherchons le bien-être, la simplicité. Méditer c’est être bien, en harmonie ; on pondère.

– Extrême 2 : rien n’y fait, on se bat, on torpille les pensées, elles nous encombrent. Nous cherchons le calme, l’apaisement. Que plus rien ne se passe et nous serons bien.

– Le milieu : éprouver le mouvement. Le laisser advenir, libre. Se détendre mais en vigilance, attentif mais en ouverture. Trop tendu, on relâche, trop ouvert, on revient. Méditer c’est voir sans se faire avoir.

D’un extrême à l’autre, nous sommes ballotés au gré des circonstances. L’extrême, parfois, est sournois, parfois il est extrême. Il est habitude, il est notre norme. Le débusquer, le démasquer et le dissoudre, telle est la voie médiane. Mais alors, que reste-t-il ? Du prendre soin à chaque fois renouvelé.

Puntso

[ Dans cet article, la voie médiane n’est pas abordée en tant que système philosophique établit par le Bouddha et développé plus tard par Nagarjuna ; il s’agit d’un état d’esprit tel qu’enseigné dans le bouddhisme. ]

Image

 

 

La mort, alors, n’a qu’à bien se tenir

L’avènement de la mort génère du chaos. La mort de l’autre nous sidère, elle entrave la pensée, elle empêche la logique du quotidien. La mort et son cortège d’inquiétudes, de peurs, de négociations, et de larmes. La mort est une injure au vivant ! Elle nous prend à chaque fois par surprise, même quand elle est attendue. On l’aime pas. Elle pue. Elle refroidit. Elle fait du vide qui nous remplit. Elle produit du manque, du silence inconfortable, des formules toutes faites. Elle n’épargne personne et puis plus rien. Et revoilà l’absence. On a beau résister, faire comme si et regarder ailleurs. On proclamera même, rebelle : «  la mort n’existe pas ! »  Elle est persistante : ce qui commence ne peut durer indéfiniment ; ce qui, ici, se rassemble, là se sépare ; ce qui a été construit se détruit, souvent petit à petit ; ce qui nait, disparait. Tôt ou tard.

Oui mais. La mort n’est pas une sentence, elle est un fruit. Elle est l’expression manifeste du changement, l’instant où la transformation devient visible, incontournable. La mort est le symptôme criant de l’impermanence qui, elle, est insidieuse. Elle avance masquée à nos yeux, imperceptible, invisible même. Pourquoi meurt-on ? Parce que l’on nait. Et une fois né, nous n’avons de cesse de changer. C’est dans le moment que cela se passe. Ça bouge tout le temps, ça se modifie, ça s’altère, ça se remanie. Il n’y a pas de même. D’instant en instant chaque infime partie de moi se transforme. Trouvez donc une cellule, un pore, un poil qui soit stable. Rien du tout. Ça file, ça défile.

Laissons la mort et parlons du changement, rencontrons les métamorphoses. Attention, c’est mathématique : pour qu’une chose change il faut que ses parties se transforment. Pour qu’elles se transforment, il faut qu’elles s’influencent l’une l’autre. (Ceci est vrai pour les parties des parties). La formule est simple, une triade inséparable : changement/composé/interdépendance. Attention, cela devient philosophique : il n’y a donc pas « d’être » aux choses, elles ne sont qu’une dynamique. Nous ne sommes pas matière, nous sommes proces. Le mouvement est constant. Les parties dont nous sommes composées sont dépendantes les unes des autres et se transforment, encore et encore. Depuis le début de la lecture de ce texte, vous êtes déjà autre, ce qui vous compose a changé. Attention, cela devient flippant : la vie nous dit : « impermanence » et nous répondons, trop fier : « un, permanence ».

Ce n’est pas l’impermanence qui fait problème, les choses changent de toutes façons. C’est notre déni de l’impermanence qui nous accable. C’est ce déni qui rend la mort insupportable car nous refusons ce qui nous y mène. Les choses changent et nous les percevons comme pérennes, elles sont composées et nous les saisissons comme entités, elles sont dépendantes et nous les concevons comme autonomes : « Je suis une entité indépendante qui dure » Comment voulez-vous alors que la mort ne nous prenne pas par surprise ?

L’impermanence est notre meilleure alliée. A jouer à cache cache avec elle, on sort toujours perdant. Et pour longtemps. Apprivoiser l’impermanence c’est se lier d’amitié avec le réel, c’est frayer avec le vrai, c’est prendre soin. Revisitons l’impermanence, explorons-là, laissons-là nous surprendre, déshabillons-là. Et quand l’impermanence nous devient familière, l’illusion s’estompe, le faux-semblant s’efface. La mort, alors, n’a qu’à bien se tenir.

(A Shamarpa)

Puntso

Image

Dharma, un soutien dans mon quotidien.

Un nouveau témoignage, d’une toute autre nature que celui de la semaine passée. Philippe Levan, ingénieur aéronautique et bouddhiste, partage avec nous l’expérience qu’il a de sa pratique au quotidien. Le texte est direct, il nous parle comme si nous étions assis à sa table. Il n’hésite pas néanmoins à aborder les pièges, les questionnements, les hésitations et les petites victoires de quelqu’un qui s’entraine à vivre le dharma, l’enseignement du Bouddha, comme un soutien au quotidien.

Dharma, un soutien dans mon quotidien.

Je dis bien « mon quotidien » et non « le quotidien » : car ce dont je peux témoigner n’est que l’expression de mon expérience, d’aujourd’hui. Je ne peux donc pas tenir lieu de référence ou de vérité, sauf si comme disent les enfants « on aurait dit que je serais » Bouddha ! » Mais je m’en serai rendu compte… Et si le Dharma est universel, son soutien quotidien est singulier, car chacun en est où il est. Evidence évidente direz-vous, tautologie (non, non, une tautologie n’est pas une blague à Toto, c’est frôler lapalissade, en un mot), mais dire que l’on part d’où on en est et que l’on fait de notre mieux est pour moi plus souvent une rhétorique familière qu’un comportement incarné ; comme si vouloir être autre ou ailleurs était cardinale de mon profil occidental…

Ensuite le Dharma n’est pas une voie qui se pratique uniquement dans un temple avec les happy few, genre je suis dans le Dharma quand je passe la porte du private club et je n’y suis plus qu’en j’en sors. Le Dharma en tant qu’enseignement a pour essence d’être au monde, tout comme une bonne lecture nous nourrit dans la vie au-delà de l’ambiance feutrée de la bibliothèque, il s’applique à notre vie courante et soutien notre façon d’être au monde et aux autres, de penser notre vie. Et son but. Non pas dans l’optique de donner une n-ième vision cosmologique/modèle du monde ou de fournir un package dogmatique qu’y-à-qu’à-faire-comme-ça, mais de proposer un chemin dans le but simple et immense de nous libérer, ou au moins de progresser, approche humble du randonneur adepte du pas à pas.

Pour ce faire, sachant que le Bouddha a donné 84000 types d’enseignement, je me contente chaque jour d’appliquer les 84000 propositions. Et voilà ! Fastoche. Non c’est une blague. J’en applique juste 64250… Plus pragmatique, voici quelques thèmes choisis.

De la méditation.

On peut méditer pour se détendre ou pour vivre autrement l’expérience présente, reconsidérer la relation sujet-objet, et donc modifier notre relation aux sensations, émotions, pensées ; simplement vivre mieux. Certaines pratiques de relaxations, développements personnels ou gymnosophies peuvent aussi aider en cela. Toutefois, on peut aussi méditer pour aller à la rencontre de la réalité ultime des phénomènes, y compris celle notre propre esprit, et cela est proprement libérateur… Ainsi sommes-nous ici dans une méditation dont l’optique est fondamentalement spirituelle, avec une vue un chouilla plus vaste. Il existe plein d’autres méditations ; la seule bonne pour moi étant celle qui répond à la question « Quelle est ma motivation, quelle est mon aspiration ? » ou plus banalement « Que veux-je !? » (Non, non, pas « Dans quelle étagère? »). Dans ces différentes optiques, je fais ma tambouille journalière.

J’apprécie l’apaisement et le recentrage de la méditation. Elle m’est aidante dans un monde ou l’instantanéité et le tout-tout-de-suite est de mise (vite vite mon mail !) et l’éparpillement (je pense simultanément à hier, demain, je fais la vaisselle en même temps que je téléphone et que je dis à mes proches « mmh… oui, oui, bien sûr, j’entends »…) nous met actif dans tout, mais présent à rien.
Elle m’aide doucement à passer du faire à l’être.

Je traverse aussi plus facilement les situations (genre le collègue hargneux ou lorsque les choses ne sont pas comme je voudrais impérieusement qu’elles fussent.) où, au lieu d’être « embarqué » par l’émotion, j’observe sans jugement cette même émotion qui me traverse, donnant l’espace et le recul salvateur. Alors je peux poser un comportement plus adéquat, plus réfléchi, plus posé, plus souple, qu’un direct instinctif « sgron gneu gneu , vous, vous, vous… ». Même type d’observation neutre que celle pratiquée sur le coussin, où toute expérience ou évènement intérieur est simplement regardé, sans jugement. Le nuage qui passe. Non pas pour se transformer en vache regardant passer le train dans une extase bovine, mais en oiseau au regard perçant qui considère tout l’espace du ciel bleu, et ne suit pas le nuage comme s’il n’y avait « que » le nuage.

Entre suivre complètement une émotion (je kiffe un max les fraises, m’en montrez pas sinon je gloutonne… et j’ai mal au ventre) et la refouler (attention ici, terrain dangereux ; pas genre mines, mais bombes à retardement) j’aime à me dire que la capacité de choix dans l’instant est quelque part l’expression d’un libre arbitre, d’une capacité de choix sur base d’éthique, de clarté, de compassion, un brin d’éducation à une liberté qui me plaît bien, la liberté intérieure. Je m’applique alors à prendre cette voie entre les deux.

Bien sûr, plein de fois (en majorité d’ailleurs, dois-je avouer pour ne pas passer pour un faux yogi 5ème dan.) ce n’est pas si simple (enfin si, c’est simple, mais pas facile.) mais les moments où « ça marche » se multiplient, et cette victoire « sur soi » est plus nourrissante et durable qu’une quelconque victoire sur un adversaire extérieur ! J’ai un indicateur simple : dans des situations déjà expérimentées dans le passé, plus de quiétude, plus d’attitude apaisée de mon interlocuteur (on est co-auteur de ce qui est en train de se passer entre nous), et le sentiment ténu mais ô combien réjouissant d’avoir été juste ou au moins d’avoir essayé de l’être. Pour l’autre. Pour soi. Et quelque part pour le monde entier.

Du bienfait, de la compassion, de la générosité, de l’« être juste ».

84000 c’est trop pour ma petite personne. Alors il est une stance parfois citée pour résumer le bouddhisme en une phrase (the bouddhist digest!) « Arrêter ce qui est nuisible, cultiver le bénéfique, maîtriser son esprit ». Même les publics non familiers connaissent un peu cela, une image courante étant Bouddhisme = Compassion (+ exotisme et yeux bridés). Pourquoi ne pas s’efforcer de l’appliquer chaque jour ?

Parce que c’est un dogme ? Non. Trop l’esprit critique pour suivre un dogme.

Parce que c’est une loi ? Raté. La loi n’a de sens que si elle a un sens (si si, relisez bien) et donc elle n’est plus loi puisqu’elle est sens, c’est-à-dire que je peux la suivre sans qu’elle me soit légiférée…

Parce que je veux être un bon pratiquant ? Inconsciemment, sûrement ; qui ne veux pas être « bon » dans la voie qu’il se donne?

Parce que je veux être quelqu’un de bien ? Sûrement, mais je travaille cette motivation car si elle peut avoir un effet bénéfique à court terme, l’intention, la motivation sous-jacente, l’état d’esprit qui préside à cette tendance mérite que je la regarde crûment, afin d’éviter de tomber dans le piège de l’être de surface. La qualité d’un acte se mesure à l’aune de l’état d’esprit qui le préside.

Parce que c’est libérateur ? Oui, complètement oui, mais je ne suis spirituellement pas assez avancé pour dire que cela soit le moteur unique pour moi.

Alors pourquoi ? Parce que ça me procure de la joie.
Faire le bien. Etre aux autres. Donner sans attente. Aimer. Prendre soin du monde. Suivre son éthique plutôt que ses impulsions…
Cela me nourrit, m’énergise dirais-je. Bien sûr je n’y suis pas tout le temps, très loin de là ; il y a les tendances, les rails comportementaux, les émotions débordantes ; et qu’en j’y suis, dans ces erreurs, blessures que j’inflige à l’autre, les voir me rend content de les voir mais affligé de leur présence ; pas envie de recommencer ; dégoût. Alors dans un élan de compassion pour moi-même je me dis « feras mieux la prochaine fois », avec une conviction profonde, celle qu’être bienfaisant est joie et libération, un peu comme quand on réalise intimement que finalement, aimer les autres (au sens compassionné, pas au sens émotionnel) est bien plus facile et léger que de ne pas les aimer…

Tous les jours, essayer d’être bénéfique (tranquillement, opiniâtrement, avec ces erreurs fondement du processus d’apprentissage), en remplissant l’espace de bonnes tendances qui ne laissent pas d’espace aux mauvaises, tout comme la lumière qu’on allume inonde celui de l’obscurité. Magique. Alors je me couche en revoyant trois de ces bienfaits de la journée ; et s’il y a des ratés … euh… un peu plus que trois… je les regrette et les veillerai demain.

De la Prajnaparamita (Sagesse Transcendante)

L’approche des sagesses est enrichissante : essayer d’approcher le réel, comprendre et expérimenter sa réalité ultime, son essence, sa transcendance ou son immanence est soutenant pour ma relation quotidienne au monde.

Prise de tête ? Pas forcément. Prenons l’exemple de l’impermanence.

Même sans aller jusqu’à l’impermanence subtile décrite dans les enseignements (sur base de laquelle les choses ne sont « manifestes» que parce que justement elles se transforment en permanence, les rendant vides d’existence intrinsèque – vite une aspirine !), simplement l’impermanence grossière, celle qui amène à notre raison ce que nos sens ne voient pas, à savoir que rien n’est figé  (ni vous, ni moi, ni nos émotions, ni la pomme sur la table, ni la table, ni la maison, ni cette colline ou cette montagne, ni cette terre, et ni même cet univers) donne à ce qui m’entoure une valeur bien plus grande, justement parce que cela ne sera pas toujours. Arrive alors une volonté, en apparence (seulement…) paradoxale de prendre soin, non pour que cela dure, mais parce que sa non-durabilité le rend précieux ! Ainsi les choses difficiles me semblent plus légères, car elles (ou ma façon de les vivre) se transformeront un jour ou l’autre. Et si les bonnes choses ont une fin, cette fin est plus naturelle, comme dans l’ordre naturel des choses. Ce sentiment est comme toucher un peu l’état d’être en accord avec ce qui est. Cool.

De la même façon, poser sur la réalité, outre le regard de l’impermanence, celui aussi du composé, de l’interdépendance, et encore plus celui de la vacuité, change doucement (piano, piano) ma relation au monde qui m’entoure, vers plus de justesse. Ce n’est plus la simple explication du monde que je quête, mais la rencontre de son essence. De ce qu’il est. De ce qui est. De l’invisible. Et peut-être de l’indicible. Du non conceptuel.

Tout comme l’enfant qui croit au loup dans le bois fera des kilomètres pour contourner le bois alors qu’il n’y a pas de loup, ma façon de me comporter dans le monde dépend de ma représentation du monde, de mes croyances.

Et pour ne pas planer à 10000 ou me prendre pour un personnage de « Matrix », mon indicateur ici est simple également : c’est quand je vis la même impression que lorsque je reviens par exemple d’un voyage ou d’une pause où j’ai « décroché », et que les composantes de ce qui m’entoure prennent des importances nouvelles (en plus ou en moins), plus justes, comme une nouvelle « reliance » à ce qui est.

Mais mon chemin est long, car trop pris par le mental je manque de réalisation : dans le triptyque bouddhiste « Etude (apprendre), Réflexion (réfléchir, questionner, approfondir l’enseignement), Méditation (pour actualiser le savoir, expérimenter, toucher par l’expérience directe et non plus par les concepts) » je suis encore trop dans « Etude – Réflexion » comparé à « Méditation », trop dans le concept comparé à l’expérience. Mais les progrès sont motivants !

Et voilà trois thèmes parmi d’autres. Je traiterai les 83997 autres la prochaine fois, mais ayant évoqué la réalité indicible, il est temps d’y passer, donc j’arrête le dicible !

Et je vous laisse à votre vérité et à votre expérience, vous la souhaitant libératrice.

Philippe Levan

Humour Méditation

20 signes de progrès dans notre pratique bouddhiste

Voici la traduction (de l’anglais) d’un texte de Rolf Scheuermann sur les signes de progrès spirituels sur la voie bouddhiste. Une réflexion personnelle inspirante qui peut aider chacun dans la compréhension de ce qu’est la pratique bouddhiste.  

Qui peut nous dire si nous faisons des progrès dans notre pratique bouddhiste ?

Beaucoup de gens qui pratiquent le bouddhisme ou d’autres chemins spirituels depuis des années ne sont pas certains de faire de réels progrès dans leur pratique. Ils croient devoir  aller voir un Lama ou un enseignant pour le découvrir.

Quelques enseignants peuvent être capables de réellement vous aider à ce propos. Il y a évidemment quelques signes extérieurs qui peuvent être des indices de progrès spirituels valables. Cependant, il n’y a en fait qu’une seule personne  qui peut vraiment juger nos progrès correctement. Non, je ne parle pas de nos maris, femmes, ou parents proches même s’ils peuvent nous éclairer.

L’unique personne qui en saura vraiment le plus en ce qui concerne votre pratique c’est VOUS.

Prétendre être un bon pratiquant bouddhiste est plutôt facile. Si on le fait bien, on peut même y croire soi-même. Tout ce dont on a besoin est d’avoir quelques notions de base des enseignements bouddhistes et faire bonne figure devant les autres.

Que l’on en soit conscient ou non, presque chacun de nous agit ainsi dans une certaine mesure. Nous voulons être perçus comme de bons disciples, étudiants, enseignants, pratiquants bouddhistes, méditants,  des êtres généreux, ayant une bonne éthique, et ainsi de suite.

Le Dharma et le changement intérieur

Les enseignements bouddhistes ou Dharma sont parfois appelés un « Dharma intérieur ». Cela fait référence au fait que la pratique bouddhiste n’a pas pour objet l’attitude extérieure ou la conduite.

Le bouddhisme n’a pas non plus pour objet de faire des pratiques spécifiques ou des rituels. La quantité de livres que nous avons lus et étudiés n’est pas si importante. Les heures que nous avons passées à méditer ne comptent pas. Ce que nous avons appris n’est pas important. Ce qui compte vraiment c’est si cela nous a transformés et comment.

Dans la tradition bouddhiste tibétaine il est coutume, par exemple, de faire des pratiques incluant un grand nombre de prosternations. Les prosternations sont une activité physique qui peut n’avoir qu’un effet positif limité sur notre corps. Mais dans certains cas, cela peut aussi blesser notre corps, en particulier les genoux.

Il est donc particulièrement important pour un pratiquant de comprendre que ce n’est pas la prosternation physique en soi qui compte. La dimension intérieure qui l’accompagne est importante. La méditation qui lui est associée peut nous aider à transformer notre personnalité en renforçant notre refuge et notre développement de la bodhicitta (esprit d’éveil). Si nous n’y prenons pas garde, la pratique des prosternations peut ne devenir qu’une sorte d’exercice physique.

Comment pouvons-nous découvrir si notre pratique bouddhiste va bien ?

En appui de nombreuses pratiques bouddhistes, il y a des instructions associées qui décrivent des signes favorables tels que des rêves et des expériences méditatives qui peuvent montrer nos progrès.

Ces signes de progrès ne devraient être perçus que comme des lignes directrices ou des indications. Si nous devenons enthousiastes ou même satisfaits lorsque de tels signes de progrès se produisent, ils peuvent en outre nourrir notre saisie de l’ego : « Je ne suis plus seulement une personne merveilleuse et intelligente, mais je suis aussi à un niveau spirituel avancé maintenant. »

A l’inverse, ne pas avoir de tels signes ne devrait pas nous attrister ou nous déprimer. Les progrès spirituels réels n’ont rien à voir avec des rêves ou des visions. Si nous les interprétons mal, ils peuvent même nous détourner du chemin. Somme toute, le chemin bouddhiste a pour objet notre développement en tant qu’être humain dans tous les aspects de notre personnalité.

Courte liste de signes de progrès dans la pratique bouddhiste

La liste qui suit contient 20 signes qui peuvent indiquer que nous faisons de bons progrès dans notre pratique bouddhiste. Elle est destinée à donner des indices que nous pouvons utiliser pour réfléchir sur nous-mêmes.  N’étant que le résultat de mon introspection et remue-méninges personnels, j’attends avec impatience d’éventuelles corrections, ajouts ou suggestions. Si vous en avez, merci de vous sentir libre de les partager avec nous en laissant un commentaire sur cette page.

Il semble que nos progrès spirituels murissent bien :

  • Si les autres remarquent que nous avons changé en mieux
  • Si nous avons moins de désirs et nous satisfaisons plus facilement de petites choses
  • Si nous remarquons de plus en plus d’espace nous permettant de réfléchir avant de réagir à ce qui se passe autour de nous
  • Si nous arrêtons de rêver de devenir un grand yogi en méditant 10 heures par jour une fois de temps en temps
  • Si, au lieu de cela, nous commençons à pratiquer régulièrement et avec joie
  • Si notre besoin de distraction diminue et que nous nous sentons plus paisibles de façon générale
  • Si nous ne nous laissons pas emporter par des expériences dans notre méditation ou des rêves intéressants
  • S’il devient plus facile de faire face aux épreuves et aux difficultés dans notre vie quotidienne
  • Si nous arrêtons de nous enorgueillir de nos réussites spirituelles ou de nos situations, mais que nous nous concentrons sur des choses sérieuses
  • Si nous nous soucions moins du passé ou du futur, mais apprécions consciemment le présent
  • Si nous commençons à nous inquiéter davantage de nos propres pensées plutôt que de ce que les gens peuvent penser de nous
  • Si nous ne réagissons pas vivement lorsque des gens nous critiquent, mais nous demandons ce que nous pouvons en apprendre
  • Si nous commençons à apprécier d’aider les autres sans rien attendre en retour
  • Si nous devenons plus conscients de nos propres défauts et des qualités des autres
  • Si nous nous prenons de moins en moins au sérieux, et qu’au lieu de cela nous commençons à aimer les autres
  • Si nous sommes moins exclusifs à propos de notre propre tradition et de nos enseignants, mais que nous nous réjouissons des activités vertueuses des autres, bouddhistes ou non bouddhistes
  • Si notre gratitude et notre reconnaissance envers nos enseignants deviennent de plus en plus fortes
  • Si notre amour et notre compassion pour tous les êtres grandit naturellement, en particulier pour ceux que nous n’aimons pas
  • Si nous devenons de plus en plus courageux
  • Si le Bouddha n’est plus un dieu, un être surnaturel ou un objectif lointain pour nous, mais la nature véritable de l’esprit de tous les êtres.

Merci à Rolph pour l’autorisation de publier son article (la version anglaise)
Merci à Marie-Charles pour sa traduction

Rolf Scheuermann a étudié le tibétain et le bouddhisme à Vienne, Heidelberg et à New Delhi. Actuellement, il travaille comme chercheur à l’université de Vienne et comme conférencier dans différents instituts internationaux. En tant qu’interprète et traducteur de la langue Tibétaine, il travaille avec une grande diversité de maîtres bouddhistes, de centres et d’institutions. 

L’éthique de l’accompagnement

L’éthique
Parler de l’éthique semble souvent affaire de spécialistes. Ce n’est pas faux, mais c’est tout de même un peu limité. La réflexion éthique nous concerne tous, elle concerne chacun d’entre nous, parce qu’elle conditionne notre manière d’être au monde.
Ce sont nos repères éthiques qui nous permettent de nous positionner pour faire nos choix dans nos relations, dans notre travail, dans nos loisirs. Bien sûr il y a la législation, les lois, bien sûr il y a un code de conduite favorable pour entretenir des relations saines, mais ce sont mes propres choix éthiques qui vont conditionner mon comportement dans la vie de tous les jours, comme dans des situations plus délicates que sont, par exemple, les situations de fin de vie.
Notre éducation, notre culture, notre tradition religieuse, notre spiritualité, nous apportent un cadre, des points de repère importants qui étayent des valeurs que nous validons. Cependant, il est important de souligner que, quel que soit le cadre choisi, c’est mon rapport à ce cadre qui donnera ou non sa pertinence à mes actions.
En effet, nos émotions, nos attachements ou nos rejets, nous amènent souvent à dévier de ce cadre. Ainsi, bien que j’ai l’intention de ne pas nuire aux autres, si une personne me dérange, m’importune, je peux tout à fait, sous le coup de l’impatience, de la colère, la rejeter sans grand ménagement, peut être même la blesser !
Du point de vue de l’enseignement du Bouddha, la mise en œuvre de l’éthique est affaire d’entrainement. Il s’agit de développer, petit à petit, un regard plus lucide sur nos actions, surtout sur ce qui les sous-tend. Quelle motivation, quelle intention, est à la base de mon attitude ? Quelles émotions, quelles attentes, viennent nourrir ou perturber l’intention première qui est de ne pas nuire ?

L’éthique de l’accompagnement
Quelle pourrait donc être l’éthique de l’accompagnant bouddhiste (ou non d’ailleurs) et sur quelles bases un pratiquant peut-il s’appuyer ?
Accompagner, vient d’un ancien mot « compain », qui signifie, partager le pain. Si on replace ce mot dans son contexte médiéval où la foi chrétienne était très présente, la symbolique du pain était associée à la vie. On parle du pain de la vie. Donc, accompagner, peut s’entendre sans ambiguité comme « partager un moment de vie ».
Accompagner signifie également cheminer avec, et cela induit de suivre le rythme de l’autre, d’accorder nos pas aux siens. C’est-à-dire, s’accorder à ses propres choix et respecter ses valeurs et priorités.
Accompagner, c’est aussi savoir écouter, c’est-à-dire d’entendre au-delà des mots mêmes, afin d’être plus ouvert à l’autre. Mais accompagner ne relève pas seulement d’un savoir-faire, c’est avant tout un savoir-être, et ce savoir-être se cultive.
Lorsque nous parlons d’être présent à une personne en souffrance, il s’agit en fait d’être conscient de ce que nous vivons à l’instant même de la présence, de développer la conscience de ce que vit l’autre, tout en étant présent à l’environnement, aussi bien structurel que relationnel de la personne accompagnée.
Ce regard intérieur se cultive dans la méditation, ce qui permet de développer une plus grande acuité sur nos fonctionnements.
Pour développer cette capacité à être réellement présent, il s’agit d’abord et avant tout d’être honnête avec nous-même, de développer la conscience de ce que nous ressentons. Que ce soit des pensées parasites, des émotions perturbatrices, des peurs, des doutes, nous sommes d’instant en instant traversés par de multiples états d’esprit qui nous éloignent de la conscience de l’instant présent. Ce qui n’est pas en soi un problème, c’est notre vécu ordinaire, l’essentiel est de nous en rendre compte, afin de ne pas nous laisser piéger par tous ces mouvements dans l’esprit.
Développer une conscience plus aiguë de notre fonctionnement permet de moins se laisser duper par nos interprétations premières. Il s’agit de prendre conscience que nous n’avons accès à notre propre réalité et à la réalité de l’autre qu’au travers de nos représentations.
Dit autrement, nous n’avons accès qu’à notre vision de la réalité, mais que nous prenons pour la réalité. À bien y regarder, nous savons que nous ne percevons pas tous la réalité de façon identique, pourtant, au cœur de la situation, nous sommes persuadés, de façon très instinctive, que c’est la réalité. En fait, notre vision est essentiellement subjective, même si l’objectivité participe à l’élaboration de notre vision.
Dans l’éthique bouddhiste, c’est un point essentiel que le pratiquant travaille au jour le jour.
Sur base d’une connaissance plus approfondie de notre fonctionnement, qui prend en compte nos propres limites, nous pouvons nous ouvrir à une réalité plus vaste. Ceci nous permet de ne pas figer la compréhension première que nous pouvons avoir du vécu et de la souffrance de l’autre, pour entendre ce qu’il souhaite nous dire.
C’est en développant un regard doux et généreux envers nos propres erreurs, nos propres dysfonctionnements, nos limites, que se développe la capacité à mettre en œuvre la bienveillance.

Trinlé

La distraction, une opportunité de clarté

Toutes les traditions bouddhistes s’accordent pour dire que la méditation a d’abord pour but de pacifier l’esprit et de le clarifier. Nous ne pouvons, de fait, fabriquer une sérénité de l’esprit. Il nous faut rassembler les conditions pour que, de lui-même, l’esprit se pacifie. Quand à la clarté, elle est discernement, compréhension. La méditation permet de voir et d’identifier progressivement les fonctionnements de l’esprit, ce qui se passe en deçà de ce que nous pouvons percevoir maintenant.

Quand on commence à méditer, la première rencontre est celle de l’agitation, une sorte de chaos intérieur fait d’images, de pensées, de sensations… Alors que l’instruction nous demande de rester centré sur la respiration, à peine nous sommes nous posé sur le souffle que déjà nous sommes emporté par le flot des pensées. C’est la distraction. La distraction est une processus assez simple : nous sommes sensé rester conscient de la respiration, mais, par habitude, nous suivons le discours des pensées.

***************

La distraction est causée d’abord par les stimuli sensoriels extérieurs : les bruits, les mouvements, les voix, les odeurs, etc. Au début, il est impossible de ne pas être pris par tout ce qui se passe dans notre environnement. Mais, progressivement, nous pouvons nous émanciper de l’influence des distractions extérieures.

Comme nous sommes très forts, nous arrivons à nous distraire nous-mêmes. Nous sommes distraits par notre propre discours intérieur. Généralement, au quotidien, nous sautons d’un sujet à l’autre, d’une idée à l’autre, discutant avec nous-même sans fin : souvenirs, projets, commentaires. C’est une habitude profondément ancrée qu’il nous faut d’abord identifier et reconnaître. Mais alors même que, durant la méditation, nous essayons de la voir, elle nous emporte. Au final, la session de méditation se passe plus en errance mentale qu’en présence à soi-même.

Et c’est naturel… D’accord, mais comment faire ?

Il est un moment privilégié dans la méditation, un instant clé. C’est le moment magique où nous nous rendons comptes que nous sommes en train de penser. Evidemment : ce n’est pas parce que nous avons décidé de méditer, que tout à coup les pensées vont s’arrêter ou que l’on sera capable d’en apprécier le mouvement sans le suivre. La distraction fait partie du processus méditatif. Mais quel que soit le nombre de fois où nous nous égarons et la durée durant laquelle nous errons, arrive toujours le moment où l’on voit et l’on se dit : « Je suis en train de penser. »

Le moment clé est là : c’est à cet instant que nous avons l’opportunité de revenir à la respiration, de nous (re)poser sur le support. Et bien non ! C’est alors que nous commençons à en rajouter, jugeant notre méditation mauvaise puisque nous sommes distrait, râlant peut être contre notre incapacité à rester stable, maugréant sans doute contre ces pensées qui jamais ne s’arrêtent. Ce faisant, nous ne nous rendons pas compte que nous rajoutons de la pensée à la danse des concepts. Nous nourrissons alors la distraction avec ce secret espoir de ne plus en avoir, de pensées. Chercher une méditation sans pensées est le must de la distraction !

Proposition : à cet instant privilégié de clarté où nous nous rendons compte que nous sommes distrait, réjouissons nous de voir.   En général, c’est à ce moment là que nous jugeons notre méditation, c’est alors que nous commentons ce qui se passe. Nous sommes plus occupé par la distraction elle-même que par le fait d’en être conscient. Or, cet espace de reconnaissance est notre chance de prolonger la clarté, en revenant doucement et avec rigueur à la respiration. Ne le ratons pas : ce moment de clarté est le germe d’une vigilance qui peut s’accroitre si nous ne l’encombrons pas de nos commentaires inutiles. Ce retour instantané à la conscience est le pivot de la méditation, l’espace qui rend possible l’attention, le lieu de l’entrainement.

Un jour, j’ai demandé à une ado qui s’entrainait à méditer ce qu’était pour elle la méditation. Elle m’a répondu : c’est revenir. Elle avait raison ! C’est en appréciant les instants de clarté, de reconnaissance de nos errances mentales que nous pouvons revenir à l’attention et laisser les mouvements de l’esprit libres. C’est alors que, peu à peu, l’esprit se pacifie, de lui-même.

Puntso

%d blogueurs aiment cette page :