La mort et la loi : réflexion sur la fin de vie

Dans le domaine de la fin de vie, la bonne solution n’existe sans doute pas, c’est bien souvent la moins mauvaise qui peut être envisagée. Préserver la vie à tout prix, quelles que soient les conditions, ne semble pas raisonnable, mais ôter la vie volontairement n’est pas envisageable. Ceci est le lieu même de la réflexion éthique.

Il n’est pas facile d’y voir clair entre les affaires médiatisées d’euthanasie dans lesquelles bien des notions sont amalgamées, sans parler de la méconnaissance de la loi Leonetti, même de la part d’une partie du corps médical. Par ailleurs, le manque de structures et de formation en soins palliatifs, ainsi qu’une carence de prise en charge de la douleur et de mise en oeuvre des soins de confort, n’autorisent pas un accompagnement de qualité pour toutes les personnes en fin de vie.

Or, le questionnement autour de l’accompagnement des personnes en fin de vie demeure essentiel. C’est la qualité de cet accompagnement qui décide des conditions du mourir de la personne.

Cet article clarifie les notions essentielles et donne les points-clés de la loi Leonetti. Cette loi du 22 avril 2005 (loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie) modifie et enrichit les lois précédentes sur le respect du droit des malades (loi du 4 mars 2002).

Pourquoi un tel texte dans ce blog ? Nous abordons régulièrement le thème de la fin de vie et de la mort sous différents angles (voir fin de l’article)  Tous nous allons la rencontrer ! Une de nos perspectives est l’accès à la connaissance ; apprendre à connaître la mort et les conditions du mourir dans ses différents aspects est un moyen de s’y préparer et d’aider les autres à le faire.

Anila Trinlé

Abandonner les expressions ambiguës

Certains qualificatifs, souvent véhiculés par les médias, devraient être abandonnés :

  • L’expression « euthanasie volontaire » est inappropriée car elle laisse penser – à tort – qu’il pourrait exister des formes d’euthanasie qui ne seraient pas volontaires.
  • De même, la distinction souvent faite entre euthanasie « active » et euthanasie « passive » ne correspond pas à la réalité thérapeutique. Elle sème le doute et entretient la confusion entre l’euthanasie et l’arrêt des traitements (qui sont, y compris dans les pays ayant légalisé l’euthanasie, des décisions de nature très différente). Pour aider à un juste discernement sur ces sujets complexes, l’Observatoire recommande donc fermement de ne plus utiliser l’expression « euthanasie passive ».
  • Les diverses expressions d’ »aide à mourir » (« aide médicale à mourir », « aide active à mourir », « aide à mourir dans la dignité », etc.) sont également ambiguës et même tendancieuses. Elles induisent l’idée que l’euthanasie et le suicide assisté seraient les seuls vrais moyens d’aider à mourir et que tous ceux qui s’emploient à accompagner les personnes en fin de vie sans pour autant provoquer leur mort (comme les acteurs de soins palliatifs) n’aideraient pas les patients d’une manière active, ou ne les aideraient pas d’une manière qui leur permettrait de rester aussi dignes que possible.

L’Observatoire National de la fin de vie déconseille donc d’adjoindre au mot « euthanasie » des qualificatifs qui, au lieu d’aider au discernement, viennent en réalité créer de la confusion et des amalgames qui obscurcissent la compréhension du débat.

Distinguer l’euthanasie des autres décisions en fin de vie 

Il est important de veiller à distinguer aussi clairement que possible l’euthanasie des autres décisions de fin de vie qui peuvent, aux yeux du grand public, lui ressembler. Ainsi l’euthanasie se distingue :

  • Du suicide assisté, c’est-à-dire le fait de fournir à une personne les moyens de mettre fin à ses jours elle-même. Euthanasie et suicide assisté sont donc tous deux caractérisés par une demande explicite du patient de mourir, mais dans le second cas l’assistance du médecin se limite à prescrire et/ou fournir à la personne concernée les substances qui lui permettront de se donner la mort.
  • De l’intensification de traitements antalgiques ou sédatifs dans l’objectif de soulager des souffrances persistantes, même si cette décision venait à avoir comme effet secondaire non voulu, une accélération de la survenue de la mort. En autorisant ce type de décision, la loi du 22 avril 2005 dite Leonetti protège désormais les soignants des risques judiciaires qu’ils encouraient auparavant.
  • De la limitation et de l’arrêt des traitements, c’est-à-dire de ne pas entreprendre ou d’interrompre des traitements devenus disproportionnés au regard de leur bénéfice pour le patient, ou qui ne visent qu’à le maintenir artificiellement en vie. La limitation et l’arrêt des traitements se distinguent alors de l’euthanasie : contrairement à cette dernière, il ne s’agit pas d’administrer un produit provoquant la mort, mais d’arrêter d’un traitement qui maintient de manière artificielle une personne en vie. Depuis la loi du 22 avril 2005, une telle décision est légale en France. Elle doit cependant impérativement s’accompagner de soins palliatifs. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, l’arrêt des traitements ne signifie pas l’arrêt des soins : en cas d’arrêt de la nutrition, de l’hydratation ou encore de la ventilation artificielle, il est impératif de continuer à dispenser des soins de confort et à lutter contre la douleur.

Les cinq principes fondamentaux de la loi 

  1. Maintien de l’interdit fondamental de donner délibérément la mort à autrui (conservation des textes antérieurs)
  2. Interdiction de l’obstination déraisonnable : est considérée comme déraisonnable l’administration d’actes « inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. » L’acharnement thérapeutique peut être résumé comme une disproportion entre l’objectif visé par la thérapeutique et la situation réelle. Dans ce cas, l’équipe médicale peut décider de suspendre les traitements ou de ne pas les entreprendre. Dans tous les cas, la conduite des professionnels de santé doit être guidée par l’intérêt du patient et le respect de sa dignité, et les soins palliatifs doivent être garantis au patient.
  3. Respect de la volonté des patients en lien avec l’état du patient, s’il est en état d’exprimer sa volonté. Sinon, c’est le médecin qui prend la décision, après avoir recherché quelle pouvait être la volonté du patient (existence de directives anticipées, consultation de la personne de confiance, de la famille), et avoir respecté une procédure collégiale.
Respecter la dignité du malade

Respecter la dignité du malade

        Situation du patient conscient

La modification proposée et adoptée le 22 avril 2005 et publiée au journal officiel porte sur le droit au refus de traitement            et non sur le refus de soin. Abandonner les soins et laisser place à la souffrance est contraire au respect de la dignité de la personne. Il s’agit de cesser des traitements devenus inutiles et respecter le patient par une prise en charge globale : psychologique et physique (traitement de la douleur et soins de confort) et accompagnement du malade et de sa famille.

Situation du patient inconscient

Quelle que soit la situation, la volonté du patient doit toujours être recherchée. S’il est inconscient, il convient de rechercher l’existence ou non de directives anticipées ou la désignation d’une personne de confiance. S’il a rédigé des directives anticipées, elles vont aider l’équipe de soins à prendre la décision dans l’intérêt du patient pour l’arrêt total ou partiel des traitements.

La collégialité de la décision

Il est important de respecter le principe de collégialité de la décision et transparence de la décision. L’apport même de la loi est de garantir la collégialité de la décision pour éviter que des décisions soient prises unilatéralement et surtout de faire peser le poids de la décision sur un professionnel, le malade ou la famille.

Les directives anticipées

Les directives anticipées pourraient être assimilées à un contrat moral passé avec les équipes médicale et soignante et rassurerait ainsi le patient sur l’organisation de ses soins et du respect des limites fixées.

Cependant, les directives anticipées n’ont aucune valeur contraignante et sont révocables à tout moment. La loi va même plus loin en proposant une date de péremption de ces directives. En effet, les directives ne seraient valables qu’à condition qu’elles aient été établies moins de trois ans avant l’état d’inconscience.

Le médecin n’est nullement tenu de suivre des directives qui seraient contraires à la loi et/ou à ses obligations professionnelles.

La personne de confiance

L’information du droit de désigner une personne de confiance

Lors de son arrivée en hospitalisation, le patient est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance. La désignation de la personne de confiance se fait obligatoirement par mandat écrit, le patient désigne la personne de confiance et signe le document.

Désignation et missions de la personne de confiance

La personne de confiance doit être une personne physique désignée librement par le patient et ce rôle doit être accepté par la personne choisie. Seul le patient placé sous tutelle ne dispose pas de ce droit. Lorsque le patient est lucide, la personne de confiance l’assiste, l’accompagne, s’il le souhaite, dans toutes ses démarches, entretiens médicaux, et l’aide dans ses décisions.

Si le patient ne peut plus exprimer sa volonté, la personne de confiance est consultée par le praticien, mais elle ne décide pas à la place du malade. La personne de confiance a un rôle consultatif et non décisionnel.

Consultation de la personne de confiance

La fonction de la personne de confiance cesse soit lorsque le patient est décédé, soit à la demande du patient.

La personne de confiance est l’une des grandes mesures de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des usagers de la santé. Les dispositions de la loi du 22 avril 2005 font de la personne de confiance un interlocuteur privilégié. En effet, l’avis de la personne de confiance prévaut sur tout autre avis non médical, à l’exclusion des directives anticipées dans les décisions d’investigation, d’intervention, ou de traitement prises par le médecin (Cf. article 8 de la loi du 4 mars 2002).

Gestion des situations des personnes inconscientes

Les divers faits sociaux évoqués lors des discussions tant par les professionnels de santé que les patients et familles attestent de la difficulté de concilier la mission de soins et la volonté du patient, d’autant plus quand les souhaits de la famille ne sont pas forcément ceux du patient.

Règles et procédure applicable pour une prise de décision

Selon que le malade en fin de vie est, ou non, conscient, les règles et notamment la procédure applicable seront différentes :

Si le malade est conscient, le médecin l’informe des conséquences de son choix et respecte sa volonté. Il est alors fait mention dans le dossier de la décision du patient et des discussions échangées avec le patient c’est le principe de la traçabilité.

Si le malade est inconscient, les rapports du médecin et du malade sont encadrés par la procédure collégiale et le principe de collégialité. Ainsi conformément aux dispositions de la loi la conduite du professionnel de santé confronté à une situation de fin de vie d’un patient inconscient doit être orientée par les principes suivants :

  • Préalablement à toute prise de décision sur l’orientation des soins, le médecin doit consulter l’équipe médicale : respect de la procédure collégiale définie par le code de déontologie.
  • La notion de collégialité ne se limite pas seulement à une décision prise en équipe mais à une participation du patient via les directives anticipées rédigées préalablement par le patient et/ou par la consultation de la personne de confiance.

La collégialité s’impose et permet à chacun de se positionner dans la prise de décision. De plus, dans un souci de transparence, la décision doit être inscrite dans le dossier médical du patient.

4. Préservation de la dignité des patients et l’obligation de leur dispenser des soins palliatifs : lorsque des traitements considérés comme de l’obstination déraisonnable sont arrêtés ou limités, la loi fait obligation au médecin de soulager la douleur, de respecter la dignité du patient et d’accompagner ses proches.

5. La protection des différents acteurs est assurée par la traçabilité des procédures suivies.

Ces quelques points peuvent aider chacun à mieux comprendre et aborder la fin de vie.

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3 Commentaires

  1. Etcheberry Annick

     /  4 décembre 2014

    Très beau texte, si bien rédigé, très explicite ! Merci beaucoup.

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  2. toujours méditer ou prier SELON ses convictions pour garder un beau souvenir de l’autre mais surtout le respect de SOI

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  3. Jean Michel

     /  8 décembre 2014

    Merci pour ce texte clair qui éloignent nos peurs de la mort.

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