Conseils aux méditants

Ces conseils de pratique ont été donnés par Jigmé Rinpoché à Dhagpo Kagyu Ling il y a plus de vingt ans. La force d’une tradition comme le bouddhisme est son actualité malgré le temps qui passe. Ici, Jigmé Rinpoché donne des conseils sur l’état d’esprit de la méditation plutôt une sur la méthode elle-même.


La méditation est le fondement de la découverte de soi-même. Méditer en tibétain se dit Gom, qui signifie « se familiariser », ce qui ne veut pas dire créer quelque chose d’artificiel ou travailler avec son imagination, mais au contraire s’établir dans un état naturel où les qualités sont présentes, sans rien changer, en demeurant tel quel.

Dans cet état, on ne porte aucun jugement sur ce qui se manifeste ; on demeure simplement présent. C’est un état naturel, mais délicat à retrouver et dans lequel il n’est pas facile de demeurer car pensées et concepts s’élèvent sans cesse. Il faut se rendre compte que l’idée qui émerge dans l’esprit est un mouvement naturel de l’esprit ; mais si l’on crée artificiellement cette idée, on s’éloigne de cet état naturel de détente.

C’est une chose à laquelle il faut veiller, sans empêcher les pensées d’émerger, car cette émergence n’est pas en soi négative ; le tout est de prendre conscience de ce mouvement.
 On essaie de s’ouvrir à la nature de son esprit, sans porter de jugement. Quand apparaît une pensée ou dès qu’il y a le moindre changement dans l’esprit, on considère cela comme un mouvement naturel, sans juger : on prend simplement conscience du mécanisme qui se produit.

Plus on prend conscience de l’idée et du concept élaboré a partir de l’idée, plus on a conscience de ce mécanisme, et plus on peut aller en profondeur afin de connaître véritablement tous les mécanismes de l’esprit.
 Quels que soient les noms donnés aux différents types de méditation, ils permettent d’établir un état de calme dans lequel l’esprit est clair, lucide et apaisé.

On s’aperçoit qu’une très forte « énergie » est présente dans cet état, qui diffère de l’état de calme ordinaire. Un état ordinaire de calme et de détente nous conduit plutôt à la torpeur et au sommeil, ou nous emporte dans des rêveries. Là, il s’agit d’un état de calme qui est véritablement le calme de la présence.

Ce n’est pas quelque chose que l’on crée, le potentiel est déjà là et on le retrouve de façon naturelle; on le laisse émerger et on en prend conscience.
Le fait de s’établir dans un état de calme permet également de percevoir l’activité ordinairement relative de l’esprit : nous nous comportons de façon inappropriée, en détournant les qualités présentes en notre esprit. Lorsque nous méditons et que nous sommes véritablement ouverts et apaisés, nous pouvons nous rendre compte des qualités présentes en nous et de cette énergie dont nous parlions précédemment.

On voit aussi comment cette énergie est en fait totalement ligotée et transformée par le désir et l’attachement, par l’idée qu’on a de soi-même, par les émotions perturbatrices, par la séparation qu’on établit entre soi et autrui.

Jigmé Rinpoché

Jigmé Rinpoché

Trop souvent, lorsque nous entreprenons quelque chose, nous en attendons un résultat ; or, le simple fait d’attendre ce résultat alimente encore davantage le flot des pensées. Dans la méditation, il s’agit de s’établir dans un état naturel sans attendre quoi que ce soit.

Il ne faut pas non plus qu’il y ait de doutes quant à ce que l’on entreprend. Ne pas avoir de doutes signifie ne pas porter de jugement sur ce que l’on fait – ne pas chercher à savoir si l’on est en train de bien faire ou de mal faire, etc. – et demeurer dans un état entièrement naturel. Dès lors, l’esprit s’apaise et s’éclaircit de lui-même, sans qu’il n’y ait rien à faire.

Nous avons des idées sur tout, même sur la méditation. Si tel est le cas, nous risquons de tomber dans l’extrême qui consiste à porter un jugement et à vouloir corriger ce nous sommes en train de faire. Et, au lieu de nous ouvrir à un état naturel, nous créons quelque chose d’artificiel.

La méditation doit naître naturellement sans que nous portions de jugement, sans que nous attendions quoi que ce soit. Tout doit être accepté, tout doit être équilibré ; on demeure parfaitement équanime vis-à-vis de tout ce qui se passe, développant simplement la conscience, instant par Instant, de ce qui se manifeste dans l’esprit. Voilà ce qu’on nomme Gom en tibétain, ou la méditation. Il ne faut pas non plus se figer ou se bloquer sur quoi que ce soit. Si l’on attache un chien à un poteau, infailliblement le chien voudra s’en aller, car il est attaché.

Si l’on force l’esprit à demeurer stable, en le ligotant et le maintenant à toute force dans cet état de stabilité, il voudra partir à droite et à gauche, ce qui créera des tensions. Si, par contre, on n’oblige pas le chien ou l’esprit à rester là, aucun problème ne se pose : l’esprit n’a plus tendance à fuir quelque chose qu’on veut lui imposer.

Tout se passe de façon détendue, et l’esprit s’établit dans son état naturel sans aucune tension. Il faut donc être très attentif à ne pas s’enfermer dans des contraintes. Au niveau du corps, de la parole et de l’esprit, tout doit se faire dans une très grande détente.

Jigmé Rinpoché

Des joies éphémères à la joie profonde

La joie est faite de plaisir, de gaieté, de créativité aussi. Cette force vitale nous nourrit et nous aide à faire face à l’adversité. Quoi de plus naturel que de vouloir la ressentir et la faire durer ? La joie illimitée, nous y aspirons tous…. mais la cherchons-nous vraiment là où il faut ?

Cet article a été publié dans le magazine Regard Bouddhiste du mois d’octobre consacré à la joie.

 

L’auteur : scientifique de formation, Lama Jean-Guy se pose certaines questions existentielles à l’aube de ses 33 ans. Au fil de ses vagabondages marins, il rencontre alors le bouddhisme. Irrésistiblement attiré par cette voie, il quitte La Rochelle en 1995 pour se préparer à la retraite de trois ans. Il en effectue deux au Bost, en Auvergne, jusqu’en 2004. Depuis, il se consacre à l’administration des centres de Dhagpo Kagyu Ling et de Kundreul Ling et au partage de l’enseignement du Bouddha.


Le bonheur et la joie par la recherche des plaisirs

Dans notre quête du bonheur, nous sommes naturellement à la recherche de la joie, cette « émotion vive, agréable, limitée dans le temps; sentiment de plénitude qui affecte l’être entier au moment où ses aspirations, ses ambitions, ses désirs ou ses rêves viennent à être satisfaits d’une manière effective ou imaginaire. » Selon cette définition issue du Trésor de la langue française, la joie résulte des plaisirs nés de la satisfaction de nos désirs. Elle naît de l’adéquation entre ce à quoi on aspire et ce que l’on vit.

Le premier pas vers la joie consiste donc à connaître nos besoins et nos désirs, sans quoi nous ne pourrons les satisfaire. Quelles sont les conditions de notre bonheur ? Se faire plaisir, se sentir utile, aimer et être aimé, être en lien avec les autres et le monde… Quelles sont nos aspirations profondes : la connaissance, la liberté, la justice ou la beauté ? Il nous faut identifier précisément ce qui nous met en joie.

Ensuite, nous tenterons naturellement de réunir les causes et conditions, sources de joie. Nous expérimenterons de petites et de grandes joies par le biais des plaisirs sensoriels, des relations amicales, amoureuses, familiales ou professionnelles, ou encore de l’accomplissement personnel.

Un des buts principaux de notre vie n’est-il pas d’accumuler ces instants de bonheur afin d’expérimenter une joie durable? La succession des petits et grands plaisirs donne certes de la saveur à la vie, mais fait-elle pour autant notre bonheur ?

La joie durable : un mythe ?

A bien y regarder, nous rencontrons, dans cette quête quotidienne, de nombreuses difficultés. Le bonheur stable et durable auquel nous aspirons s’effrite souvent d’un côté quand nous tentons de le consolider de l’autre.

En effet, en observant attentivement notre situation, cette recherche de bonheur est essentiellement basée sur la réussite de projets en lien avec des circonstances extérieures. Or, ces circonstances ne dépendent pas que de nous. Elles sont aussi largement liées à d’autres facteurs ou personnes sur lesquels nous n’avons que peu de prise. Ils évoluent indépendamment de nos désirs. C’est la manifestation naturelle de l’interdépendance et de l’impermanence. Elle s’exprime par des fluctuations favorables ou défavorables de tout ce qui nous entoure, notre situation matérielle, nos relations de couple, familiales ou professionnelles, jusqu’à la situation économique et politique de notre pays.

Bien sûr nous pouvons rencontrer le succès dans certaines de nos entreprises, et là, nous savourons la satisfaction, la joie liée à cette réussite. Mais ce succès peut-il être durable ? Au regard de l’impermanence, rien n’est moins sûr.

Dès lors se pose la question : pourquoi conditionner notre bonheur à la réussite de ces projets, dès lors que l’on n’a que peu de maîtrise sur les conditions de leur succès ?

On pourrait alors être tenté d’adopter une position résignée et renoncer à tout projet de bonheur stable puisqu’aucun ne peut aboutir de manière pérenne.

Entrer en contact avec notre richesse intérieure

Mais l’enseignement proposé par le Bouddha nous exhorte au courage en nous incitant à nous tourner, non pas vers le miroir aux alouettes de la recherche des plaisirs, mais vers la source inépuisable et pérenne de notre richesse intérieure. Les enseignements comparent notre situation à celle d’un mendiant qui tend la main dans l’espoir d’une obole, alors qu’il se trouve assis sur une cassette d’or et de joyaux, enterrée juste là, à portée de sa main.

Ce trésor, c’est l’éveil, la libération du mal-être[1], et la manifestation des qualités innombrables de notre nature essentielle. Par la réflexion et la méditation, le Bouddha a parcouru le chemin depuis sa condition ordinaire de simple être humain jusqu’à la réalisation de l’éveil. Par la suite, il a pu témoigner inlassablement de notre capacité fondamentale au bonheur et nous a indiqué de nombreuses voies pour y parvenir.

Des joies éphémères à la joie profonde

Des joies éphémères à la joie profonde

Comprendre notre esprit, la clef de l’accès à cette richesse

Mais alors, comment suivre la voie du Bouddha, si tel est notre choix ?

Dans toute entreprise, cheminer consiste à agir de la manière la plus juste au regard du but que l’on s’est assigné. Si notre but consiste à réaliser l’éveil, la délivrance du mal-être, il importe d’analyser ce qui en est la cause pour pouvoir nous en libérer.

La compréhension de la loi du karma nous donne plusieurs clefs au regard de cette question. Elle indique que ce sont les actes néfastes, accomplis sous l’emprise d’afflictions, qui sont à la source des difficultés de cette vie. En effet, dans notre quête du bonheur, bien naturellement, nous combattons ce qui tend à l’entraver, et favorisons ce qui pourrait nous permettre de l’obtenir. Nous posons donc des actes motivés d’une part par l’aversion, et d’autre part par l’avidité. Or ces actes, et la motivation qui les sous-tend, ont un impact sur notre esprit. Ils y laissent des empreintes, lesquelles ont pour effet de colorer notre vision future des situations.

Pour illustrer cela, prenons un exemple. Imaginons que nous rencontrons un collègue de travail pour la première fois, et que sa tête ne nous revienne pas. Nous nous sentons légèrement irrité.

Si nous n’y prenons pas garde, cette première impression va influencer le futur. La fois suivante, nous allons peut-être trouver qu’il nous regarde de travers, où qu’il a un comportement étrange, comme s’il voulait se mettre en valeur à notre détriment, etc. De ce fait, à chaque nouvelle rencontre, nous l’observerons encore plus attentivement, guettant toute menace de sa part. C’est le début d’une paranoïa légère, mais qui peut prendre, au fil des jours, des proportions assez étonnantes. Nos croyances, nos représentations de lui et de nous-même nous enferment dans une spirale néfaste, où toute action de sa part pourra être interprétée comme une menace, et où nous réagirons pour la contrer.

Nos réactions provoqueront chez lui une suspicion à notre encontre, et il se mettra à son tour à nous considérer avec méfiance et agira sur cette base. Ces actes de défiance renforceront bien légitimement notre vision de lui, et nous nous dirons au final : « J’avais bien raison dès le début, ce type est bizarre ! … »

Cet exemple assez simple illustre le mécanisme par lequel nous créons les situations dans lesquelles nous nous empêtrons par la suite. D’une certaine manière, nous sommes responsables de ces situations, qu’elles soient favorables ou défavorables.

Cette responsabilité pourrait être vécue comme une mauvaise nouvelle, liée à un sentiment de fatalité et de culpabilité. L’enseignement nous invite à un autre regard : être responsable, c’est reconnaître notre contribution à une situation et c’est une excellente nouvelle, au contraire. Car cela signifie que nous pouvons répondre à la situation, en jouant sur les paramètres dont nous avons la maîtrise.

Dans notre exemple, on pourrait ainsi éviter de croire aveuglément à notre première impression et essayer, par la réflexion, de développer une vision basée sur une appréciation plus globale de la situation. Pour cela, une certaine connaissance et maîtrise des processus de l’esprit sont nécessaires. Il s’agit ensuite d’être capable de les repérer, de ne pas les suivre et de cultiver au contraire des tendances plus favorables, basées sur l’ouverture et une curiosité bienveillante.

Cultiver la clarté de l’esprit

Si nous nous y essayons dès à présent, nous nous rendrons sans doute compte qu’il est difficile de ne pas suivre l’impulsion première, voire même de la repérer à l’état de germe dans notre esprit. En effet, nous sommes si peu habitués à ce regard intérieur que lorsque nous essayons de le cultiver, les choses ne semblent pas si claires. D’où la nécessité de clarifier l’esprit.

C’est là un des propos essentiels de la méditation bouddhique : entraîner l’esprit à observer tous les mouvements qui le traversent, sans les suivre. La nature de l’esprit est comparable à une eau très pure. Sa nature est clarté, intelligence, discernement, capacité à comprendre et à connaître de manière juste l’ensemble des situations et des phénomènes. Pour l’instant, cette eau claire de l’esprit est agitée par les afflictions telles l’avidité ou l’aversion, et toutes les tendances, représentations, et préconceptions diverses la troublent, comme des particules maintenues en suspension par cette agitation.

L’entraînement méditatif consiste à lâcher prise sur les mouvements émotionnels. L’esprit s’apaise progressivement, et sa clarté fondamentale se manifeste alors naturellement. Nous comprenons, voire réalisons alors beaucoup de choses ; par exemple qu’il n’est pas nécessaire de maintenir telle opinion sur telle personne. Nous ressentons clairement l’aspect toxique d’une telle vision, et nous l’abandonnons bien volontiers au profit d’une vision plus large, plus ouverte, plus détendue.

La conduite éthique comme base de la joie

Nous pouvons alors commencer à prendre véritablement soin de notre esprit, car nous avons des remèdes à lui proposer. C’est le sens de l’éthique bouddhique. Ce n’est pas une éthique née d’un dogme ou d’une loi ; elle naît de la profonde compréhension de ce qui est toxique et bénéfique pour soi et les autres.

Agir sans réfléchir sous l’impulsion de notre aversion ou de notre avidité nous rend de plus en plus dépendants de la quête sans fin d’un bonheur difficilement atteignable et fugace.

L’éthique s’appuie donc sur la compréhension que pour prendre soin de notre vie, il est préférable d’agir en favorisant les tendances contraires à l’avidité, à la colère, et à l’illusion née de l’ignorance. Ces tendances bienfaisantes peuvent être cultivées par la pratique des paramitas, les vertus qui nous emmènent au-delà du mal-être. Ainsi, la générosité est un remède à l’avidité ; la discipline qui s’abstient de nuire, un remède aux tendances néfastes ; la patience intelligente, un remède à l’aversion ; la méditation, un remède à l’agitation mentale ; et la sagesse, un remède à l’ignorance.

Au fil de l’entraînement, nous agissons naturellement de manière plus juste, plus apaisée, cessant d’être attiré par les chimères et les sirènes de nos désirs de surface. Nous grandissons dans la confiance envers l’enseignement du Bouddha et la voie qu’il nous montre.

De cette confiance naît l’énergie enthousiaste dans l’entraînement spirituel. Les difficultés de l’existence ne sont plus vues uniquement comme des sources de mal-être, mais comme de précieuses opportunités pour mieux comprendre ce qui entrave l’expression de nos qualités premières. Ainsi, même ces difficultés sont source de joie. Cette joie grave et profonde ne résulte pas d’une satisfaction éphémère, mais elle se nourrit de la conviction en la justesse du chemin : inexorablement, il nous rapproche de notre nature fondamentale, sagesse et bienveillance.

La joie grave d’entrer au contact avec notre ouverture bienveillante

Avec la clarté de l’esprit et l’élargissement de notre vision, nous comprenons non seulement notre situation, mais aussi celle des autres. Comme nous, ils sont en quête d’un bonheur éphémère, suivent aveuglément les afflictions, et sèment les graines de leur mal-être. Ils sont dans la confusion sur leur nature véritable, absents à leur richesse intérieure.

Alors naît un sentiment de proximité avec autrui. Notre vie peut prendre un autre sens, et trouver son plein épanouissement dans sa simplicité même, libre des complexités inutiles. Nous sommes de plus en plus au contact d’un cœur simple, esprit ouvert à tout ce qui est, présence attentive et bienveillante à soi et aux autres.

De là s’élève une immense gratitude envers nos maîtres, dans la joie d’avoir trouvé le sens.

Lama Jean-Guy

[1] Mal-être : fait référence au terme Sanskrit dukkha, qui traduit non seulement la souffrance douloureuse, mais aussi toutes formes d’insatisfactions, de frustrations, jusqu’à une plus subtile souffrance existentielle.

L’accompagnement en huit questions

En huit questions, anila Trinlé donne le sens de l’écoute dans le cadre de l’accompagnement. Une mosaïque de conseils pour clarifier le processus de présence à l’autre (et à soi même). 

Qui sont les personnes en souffrance ? et, plus largement, qui est cet autre que j’écoute ?

  • Des personnes malades, pour certaines en fin de vie, l’entourage des malades, les soignants parfois, et des personnes en deuil, de façon plus générale des personnes qui rencontrent des difficultés à vivre les écueils de la vie.

Comment j’accueille cet « autre » ? dans quel état d’esprit, et avec quels présupposés ?

  • Accueillir l’autre dans ce qu’il est, lui offrant la générosité d’une écoute. Une générosité gratuite qui n’est pas entachée ni de pitié, ni de commisération, un état d’esprit qui tend à la compassion. Cette compassion, nourrie par une motivation vaste, consiste à souhaiter pour l’autre qu’il soit libéré de la souffrance et des causes de la souffrance.
  • Garder  à l’esprit que je ne sais pas à la place de l’autre ce dont il a besoin. Être attentif à ce que je veux dans cette relation car plus « je veux » aider, et moins je suis aidant. Cependant il est essentiel d’être conscient que je veux toujours quelque chose, au moins qu’il aille mieux…
  • Faire confiance aux ressources de la personne et faire appel à ses capacités. J’accepte le temps, le rythme de l’autre, à défaut j’accepte mon incapacité à croire en son potentiel. Je mobilise l’énergie en vue de permettre à la personne de garder ou de restaurer l’estime de soi, en développant une vision globale, conscient des processus et de l’évolution toujours possible. Même si ses réponses sont éloignées des solutions que j’envisageais…

Comment j’accueille la parole de l’autre ? Comment nos deux paroles vont à la rencontre l’une de l’autre ?

  • Préliminaire : l’écoutant ne doit pas oublier qu’il a lui aussi une parole et qu’il en fait usage !
  • Avec une attention extrême, je laisse venir la parole de l’autre, son univers, son vécu. J’accueille les mots, les silences, attentif à ce que je vis dans l’espace de cette rencontre.
  • L’important n’est pas de comprendre, ni de savoir, il s’agit plutôt de connaitre, de rencontrer l’autre dans ce qu’il est, dans ce qu’il vit.

Qu’est-ce que je fais des émotions qui me traversent ?

  • Les voir, les identifier, les accepter et ne pas les suivre. Ce qui demande un entrainement, une rencontre intime avec ses propres mouvements émotionnels, notamment par la méditation.
  • Développer la conscience de leur présence, leur impact sur mon écoute, ne pas se laisser berner par leurs discours.
  • Sa souffrance me touche, m’interpelle, me dérange et je reste là, à son écoute, c’est de sa souffrance dont il s’agit, de son vécu douloureux. J’accueille mon sentiment d’impuissance, l’aide que je peux apporter ne se situe pas dans l’action, mais dans l’écoute inscrite dans une présence bienveillante et non jugeante.

Que signifie avoir du recul, être à la bonne distance ?

  • Être non pas « détaché », mais « non-attaché », c’est ce qui me permet d’entrer en relation et d’entendre la parole de l’autre. Être libre, autant que faire se peut, des attentes liées à l’attachement. L’attachement à la personne, à son discours, à mes réponses qui s’élèvent si rapidement pour contrer le sentiment de malaise qui me traverse face à la souffrance.
  • La « bonne distance » est tout sauf un état figé, c’est un continuel réajustement entre trop de proximité et trop de distance, entre fusion et séparation. C’est sortir de la confusion entre ce qui appartient à l’autre, et ce qui m’appartient en propre, sa souffrance et mon mal-être, ses difficultés et mon sentiment d’impuissance…
Accueillir l'autre dans ce qu'il est

Accueillir l’autre dans ce qu’il est

Qu’est-ce qui fait que l’autre va, ou non, trouver ses propres réponses ?

  • Développer la conscience que la capacité de « rebondir » est présente en chacun, mais parfois tellement entravée par des expériences de vie douloureuses qu’elle semble inaccessible.
  • Être là, « ne rien dire », juste écouter, permettre de déposer ces paroles difficiles et faire confiance au silence fécond.
  • Chercher ensemble les ressources sur lesquelles il est possible de s’appuyer, c’est s’autoriser à se reconnecter à ce qui aide, soutient et éclaire le chemin.
  • Mais ne pas s’y tromper non plus, ce n’est pas accessible à tous, et surtout cela dépend des moments. Il est d’abord nécessaire, voire indispensable, d’être suffisamment apaisé pour intégrer le drame vécu.
  • Toujours se rappeler qu’il faut du temps et que toute personne qui subit une difficulté connaitra différentes étapes : déni, colère, sentiment dépressif…
  • Le temps est un allié, mais ce n’est pas suffisant, le temps seul ne transforme pas, ne permet pas d’évoluer dans son registre émotionnel, la parole est nécessaire et donc une écoute bienveillante est indispensable.

Quelles sont les attentes de celui que j’écoute ?

  • Une aide ponctuelle, précise, une demande impliquant une connaissance des relais possibles, mais non dénuée d’une plainte associée à sa situation problématique et difficile à vivre.
  • Une écoute, le besoin être entendu dans ses souffrances qui semblent exclure du monde « ordinaire ». Une souffrance difficile à vivre, voire intolérable, entretient un sentiment de solitude, d’isolement, lié à l’impression de ne pouvoir être compris dans sa singularité.

Quelles réponses, quelles attitudes adopter ?

  • Aider la personne à élaborer sa parole pour lui permettre de clarifier son vécu, un trop plein de souffrances entrainant une confusion émotionnelle.
  • S’appuyer sur « ma boite à outils » d’écoutant : la reformulation, la prise en compte du non-verbal, la conscience de ce que je vis dans la présence à l’autre mais sans le suivre.
  • Proposer, vérifier, questionner. Ne pas donner de conseils, être attentif aux interprétations rapides.
  • Les réponses, seule la personne les connait, tout au plus je peux la mettre en chemin pour y accéder.
  • Toutes les propositions, même si elles sont justifiées, seront inopérantes si elle ne se les approprie pas par elle-même.
  • Ne pas aller au-delà ce qui est attendu et ne pas limiter la parole. Tenir compte des mécanisme de défense, respecter le déni.
  • Faire preuve de discernement, d’une curiosité saine, d’une faculté d’étonnement, se laisser surprendre. Lâcher l’attendu et les a priori.
  • Rester attentif à ne pas avoir de projet pour l’autre, à ne pas rechercher de résultat. Juste être là.
  • Tout cela en développant douceur et bienveillance envers soi…
  • Ne jamais oublier que je suis en entrainement. Je m’entraine à développer une présence ouverte et consciente d’elle-même, afin de m’ouvrir à l’autre.
  • Mettre en oeuvre les moyens d’offrir une présence consciente, intuitive et éclairante, avec pour perspective de redonner confiance en l’autre et de restaurer l’estime de soi.

Anila Trinlé

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