La déception ? Une alliée !

Une relation est un long chemin à parcourir à deux. C’est une rencontre qui se nourrit, s’approfondit. C’est l’opportunité de se rencontrer soi-même et l’autre. C’est un chemin de réajustement, de clarification. C’est aussi un chemin de déception et de découvertes réjouissantes.

Sans que nous nous en rendions toujours compte, notre fonctionnement qui ne nous permet d’avoir accès qu’à notre propre représentation de notre réalité et à celle de l’autre, nous amène à éprouver déception et contrariété. Je ne l’aurais pas cru capable de faire ceci, de dire cela, il ou elle me déçoit…

Mais qu’est-ce que la déception ? La déception envahit l’esprit, elle fait douter de soi, de l’autre, elle suscite la colère et le rejet. Mais à bien y regarder, la déception montre que ma vision de l’autre, de la situation et même de moi-même n’était pas juste.

Je n’ai accès qu’à ma vision de la réalité, et le meilleur moyen de sortir de mes représentations figées, c’est d’accueillir la déception comme opportunité de rencontrer le non su, le non vu, l’inconnu. C’est l’opportunité d’un réajustement, parce que ce que j’envisageais comme « une évidence » n’est pas la réalité !

Accepter que ma vision ne soit pas juste puisque les circonstances me prouvent que les choses ne se passent pas toujours comme je le voudrais, que les êtres ne sont pas nécessairement tels que je me les représente. Et que s’ils sont différents de ce que je croyais, cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas justes, ni bons, ni intelligents. Ils sont autres, différents de ma représentation, c’est tout.

culpabilite

Je n’ai accès qu’à ma vision de la réalité

Intéressant d’aller voir du coté de l’étymologie, (« deceptio » du latin tardif) signifie « tromperie », « tromper ». Face à une déception nous avons tendance à croire que ce sont les autres qui se trompent, qui nous trompent, lorsque nous sommes déçus, alors que c’est « moi » qui me suis trompée en envisageant l’autre comme je voudrais qu’il soit !

Si je suis déçue, je me trompe et à moi d’en assumer la responsabilité sans jeter la pierre sur celui ou celle qui me déçoit. Plus facile à dire qu’à vivre bien souvent ! Lorsque nous sommes déçus, nous ressentons que c’est l’autre, les autres qui nous déçoivent et non pas que nous nous sommes trompés dans notre représentation.

Par exemple, je pense que mon amie me connait suffisamment pour reconnaitre mes compétences, ma valeur, mes forces, mais aussi mes manques, mes lacunes ou mes fragilités. Or, sur un point qui pour moi est très important, supposons la reconnaissance de ma place dans une entreprise, en une phrase, elle m’en dénie la légitimité : « ce qu’il faudrait ici, c’est une autre secrétaire « , et ce, devant tous mes collègues ! Or, je suis secrétaire…

Imaginez ma déception ! J’entends mon amie dire qu’il faudrait une secrétaire « autre », plus compétente que moi ; mais peut-être qu’elle voulait dire c’est : « il faudrait une secrétaire supplémentaire » ! Comment savoir si ce n’est en clarifiant avec elle, seulement la déception dresse une barrière entre elle et moi, ma colère invalide une quelconque discussion et je reste enfermée sur mes doutes !

Trungpa Rinpoché, un maitre bouddhiste tibétain dit à propos de la déception dans son ouvrage « Pratique de la Voie Tibétaine » : « La déception manifeste que nous sommes fondamentalement intelligents. On ne peut la comparer à rien d’autre ; elle est si nette, précise, évidente et directe. Si nous pouvons nous ouvrir, nous commençons soudain à voir que notre attente n’est pas pertinente, comparée à la réalité des situations que nous affrontons, et automatiquement surgit un sentiment de déception. »

La déception, une porte d’entrée vers plus de clarté, voilà à quoi nous incite cette réflexion. Rencontrer la déception, y voir nos attentes déçues, et réajuster notre regard sur nous-même et sur les autres. L’entrainement sur la chemin bouddhiste nous invite à regarder notre fonctionnement avec bienveillance et développer une plus grande clarté sur nos dysfonctionnements, afin d’aller vers plus discernement et de générosité.

Anila Trinlé

La vie professionnelle : une éthique au quotidien 

Cet article a été publié dans le magazine Regard Bouddhiste du mois de septembre consacré à la vie professionnelle. 

regard bouddhiste logo

 

 

 

Voie de libération et développement personnel 

Parler du bouddhisme et de la vie professionnelle nous met naturellement face à une première ambiguïté. Le bouddhisme est une voie de libération de la souffrance par un profond travail d’introspection alors que le but de l’entreprise est de produire des biens ou des services ; pour survivre et se développer, elle cherche à créer de la valeur en générant du profit. Pour le dire sans nuance : alors que l’un questionne le désir, l’autre cherche à le nourrir. Comment ces deux-là peuvent-ils se rencontrer et collaborer utilement ?

La pratique bouddhiste a plusieurs perspectives. Une des façons de la définir est de l’aborder en termes des trois entraînements : l’éthique, la méditation et le discernement. L’éthique peut se résumer au fait de ne pas nuire, individuellement ou collectivement. La méditation consiste à dévoiler la lucidité et la clarté de l’esprit, et de le pacifier. Quant au discernement, il permet de percevoir les situations telles qu’elles sont, le jeu de causes et de circonstances. Le Bouddha les a enseigné pour permettre à chacun de dissiper la méprise ou l’ignorance qui nous caractérise tous et qui est la cause première de notre insatisfaction, de notre souffrance. Une autre perspective de la pratique bouddhiste, outre le processus de libération, consiste à « embellir le monde » c’est-à-dire  de mettre en oeuvre des moyens pour générer des circonstances favorables aux humains, de leur procurer de meilleures conditions de vies.

En ce sens, on peut trouver dans le bouddhisme des valeurs et des méthodes qui permettent un mieux vivre dans l’entreprise et, surtout, de développer une dimension éthique de façon très concrète dans l’organisation et dans les relations tant en interne que vers l’extérieur. Il s’agit de faire de notre vie professionnelle une démarche éthique. C’est l’éthique qui est le fondement de tout développement, que ce soit dans la vie professionnelle ou dans une démarche spirituelle. Lorsque j’intervenais en entreprise, j’ai rencontré des équipes managériales dont la préoccupation était, bien sûr, de maintenir un appareil de production générant du profit, mais qui ne dérogeait pas à l’éthique à tous les niveaux : qualité du produit, qualité de vie dans l’entreprise et respect du client. C’était, pour eux, un défi quotidien.

Une autre ambiguité apparait. Que signifie « bouddhisme et vie professionnelle ». Faut-il aller prêcher dans les entreprises ? Mettre tout le monde à la méditation ? Proclamer des valeurs respectueuses de l’humain ? Comment, concrètement, faire vivre des principes dans un monde qui n’est pas, a priori, destiné à intégrer une approche spirituelle dans son activité.

L’universalité du bouddhisme permet d’y puiser des ressources sans qu’elles ne soient connotées par un quelconque aspect religieux ou spirituel.

Prenons quelques exemples. Cultiver une motivation qui associe le développement de l’entreprise avec le bien-être des partenaires, développer une conscience des perturbations émotionnelles qui entravent la communication afin d’améliorer le travail en équipe, travailler sur les causes et les symptômes du stress, aider à gérer le temps en identifiant les réelles priorités, et il y en a d’autres.

La vision que propose le bouddhisme et les méthodes qui y sont associées sont applicables pour qui veut améliorer la vie au travail. Il ne s’agit pas d’avancer masqué, mais il est inutile de poser un label « bouddhiste » sur une approche qui, finalement, est une façon profondément humaine et lucide d’aborder les situations. Une chose est de s’inspirer de l’enseignement du Bouddha, une autre est de devenir bouddhiste. Il me semble que ce n’est pas trahir une transmission authentique vieille de 2600 ans que de s’en inspirer pour permettre aux humains de devenir plus humain. L’erreur consisterait à prendre l’un pour l’autre et à réduire le bouddhisme à un développement personnel. Les deux ont leur raison d’être.

Les pièges de la méthode 

Comment irriguer la vie professionnelle d’une approche fondée sur le bouddhisme ? Comment injecter des valeurs voire des méthodes inspirées par l’enseignement du Bouddha dans le monde du travail ?

Le point de départ est toujours le même : la prise de conscience de l’insatisfaction qui nait de notre façon d’aborder les situations et la certitude qu’une transformation est possible. C’est le principe des quatre vérités des Nobles. Comme le dit Jigmé Rinpoché : « L’esprit, qui est fondamentalement lucidité, clarté et sagesse, peut trouver les solutions à ses propres problèmes. »

Un élément, cher au bouddhisme, est ici essentiel : l’exemplarité. Le directeur d’une chambre consulaire que j’ai accompagné témoignait de l’évolution de ses collaborateurs au fur et à mesure que lui-même changeait ses modes d’écoute et de communication, et faisait évoluer sa posture au sein de son équipe.

Sur base de cette prise de conscience, les formes de la démarche peuvent être multiples. Aller à la source et suivre des enseignements bouddhistes transmis par des enseignants qualifiés. Il existe aujourd’hui des coachs et des formateurs qui fondent leur approche sur le bouddhisme. Il existe également des groupes de réflexion qui, par des échanges réguliers, éclairent la pratique professionnelle à la lumière du bouddhisme.

Nous remarquerons que l’option proposée est d’abord un démarche individuelle. Elle peut, selon les circonstances, se décliner collectivement au sein d’une structure, mais cela dépend bien sûr des décideurs.

Mais quelle que soit l’approche, il est essentiel d’être clair sur ce qu’est une méthode et ses effets. Une méthode ne change pas quelqu’un qui ne souhaite pas se transformer. C’est la motivation qui prime (autre élément fort dans le bouddhisme). Elle peut naître au fil du processus de formation, mais elle est primordiale.

Toute transformation est affaire d’entrainement. Une formation commence quand elle se termine. Devenir éthique ne se décide pas mais se cultive. C’est l’entraînement qui permet la transformation. Le Bouddha a expliqué à de nombreuses reprises qu’il pouvait partager les conditions de la transformation, mais que les seuls qui pouvaient se transformer c’était nous-mêmes.

Un dernier aspect à éviter : l’attitude extrême qui consiste à mettre les situations au service de la méthode, à enfermer les situations dans une grille de lecture figée. Toute méthode est au service de la réalité et non l’inverse. Le bouddhisme n’est pas une théorie à appliquer, il est un chemin d’exploration, une façon de devenir autonome. Certes, il y a des critères, des méthodes, des vues bien spécifiques, mais c’est à chacun de les faire vivre dans son contexte.

Quelques exemples

Les ressources que propose le bouddhisme se déclinent de différentes manières selon les divers aspects de la vie professionnelle. Voici trois propositions d’approche. Ce ne sont que des pistes qui demandent à être développées :

La gestion du temps : le temps nous manque et nous l’éprouvons de façon chaotique. Aborder la gestion du temps commence par une réflexion sur l’impermanence, le temps qui passe et notre manière de l’éprouver. Elle demande à revisiter nos priorités et d’aller voir du côté du désir et des fascinations. La question n’est pas de remplir l’agenda de la façon la plus efficace, mais de donner priorité à nos réelles priorités et de trouver un équilibre entre les différents engagements de notre vie. Cela oblige à revisiter nos motivations et à mettre en oeuvre les moyens de les incarner.

La gestion du stress : le stress nait de l’impression réelle ou imaginaire de ne pas avoir les ressources nécessaires pour faire face aux situations. Inutile d’en rappeler les conséquences tant au niveau physique que psychique. Le bouddhisme, outre la méditation, offre de nombreuses méthodes pour prendre conscience des perturbations émotionnelles qui nous traversent et pour trouver une détente vigilante qui nous donne la clarté nécessaire pour répondre de façon adaptée aux situations. Le fait de nous relier à notre motivation et de la clarifier redonne également du sens à notre activité.

La communication et le travail en équipe : le bouddhisme nous invite d’abord à un travail d’introspection. Nous avons la capacité de poser un regard direct sur nos fonctionnements, nos représentations et nos projections afin de les reconnaître. C’est ce regard intérieur, de plus en plus précis et subtil, qui nous permet de mieux comprendre les autres et d’adapter notre communication à nos interlocuteurs.

Dans la vie professionnelle, il s’avère que le quotidien et la routine nous coupent des fondamentaux : la motivation, la conscience de ce que nous vivons, la présence des autres, etc. Prendre un temps quotidien afin de nous relier, encore et encore, à l’essentiel est salutaire. Le critère enseigné par le Bouddha à ne jamais perdre de vue est la perspective des deux bienfaits : le notre et celui des autres. Si nous ne sommes centrés que sur nous-mêmes, nous ne pouvons embrasser les situations en considérant les autres de façon claire. Si nous n’agissons que par rapport aux autres, nous nous perdons dans l’activité, coupé de nous-même, ce qui, tôt ou tard se paie cher en stress et en perte de sens.

Conclusion

Le bouddhisme n’a pas de solutions toute faites ou de méthodes prêtes à porter afin de donner sens à la vie professionnelle. Introduire le bouddhisme dans la vie professionnelle est affaire d’entraînement, de conscience intérieure, de questionnements afin d’aller vers plus de bienveillance et d’éthique. Comme nous l’avons dit, c’est un défi au quotidien dans lequel chacun, individuellement ou en groupe, peut enrichir sa vie. C’est bien de richesse intérieure dont il s’agit.

Lama Puntso

Pour aller plus loin : dharmanagement
Pour approfondir : Être serein et efficace au travail 

Un élément, cher au bouddhisme, est ici essentiel : l’exemplarité

Un élément, cher au bouddhisme, est ici essentiel : l’exemplarité

Trois raisons qui rendent tout deuil unique.

Du point de vue de l’enseignement du Bouddha, la souffrance du deuil est le fruit de notre fonctionnement. En effet, nous nous attachons à des êtres, des relations, des objets, des situations sans considérer leur impermanence.

Nous savons bien que nous pouvons être séparés de ceux que nous aimons, nous savons bien qu’un jour nous mourrons, que nous pouvons perdre notre travail, égarer ou casser des objets auxquels nous tenons, etc.

Nous avons besoin d’être entouré de ceux que nous aimons, dans un cadre de vie qui nous convienne, dans un lieu où nous nous sentons en sécurité. Tout cela nous est nécessaire et il n’y a pas de problème à cela, si ce n’est que nous ne prenons pas en compte l’impermanence qui est notre caractéristique même, qui est inhérente à tous les phénomènes composés. C’est une réflexion à laquelle nous sommes invités afin d’être moins fragilisé par la perte.

Le processus de deuil 

Le processus du deuil se vit par étapes, nous passons de l’incrédulité à la colère, de la culpabilité à la tristesse, de phases dépressives en phases d’acceptation, tout cela dans un vécu émotionnel déstabilisant. Ces phases s’interpénètrent, se vivent souvent de façon chaotique et non linéaire.

Si le processus du deuil est universel, son vécu est à chaque fois singulier, parce qu’il est conditionné par une constellation de paramètres qui vont lui donner son caractère unique et singulier.

Pour faciliter la compréhension, j’aborderai ces différentes conditions en prenant l’exemple d’un deuil suite au décès d’un proche. Cependant, les différents deuils en lien avec une rupture amoureuse ou amicale, la perte d’un emploi, la fin d’un projet, etc., sont de la même façon conditionnés par les circonstances.

Explorons ces paramètres. Ils sont de trois types, les circonstances de la mort, les conditions liées à  la personne décédée et la personne endeuillée.

Les circonstances de la mort

Si la mort était plus ou moins attendue, à cause d’une pathologie évolutive ou du grand âge, les proches auront eu le temps de se préparer à la séparation. Tandis que si la mort survient brusquement, accident de la circulation, arrêt cardiaque, ou hémorragie cérébrale, la séparation brutale devient plus complexe à vivre. Sans parler bien sûr des suicides où le sentiment de  culpabilité est bien souvent omniprésent chez les proches.

D’autres circonstances peuvent également colorer le vécu du deuil, s’il y a eu réanimation ou non, si les douleurs physiques n’ont pu être complètement apaisées, si des troubles respiratoires importants ont précédé la mort, etc. Les souffrances peuvent être multiples et laisser les proches dans un sentiment d’impuissance important.

La qualité de l’accompagnement, du moins le sentiment que tout a été fait au mieux, conditionne également la souffrance de la perte, de même que le respect des choix du patient. Pour certains, la présence ou non au moment de la mort aura un impact fort, tant positif que négatif.

Les différents paramètres en lien avec la personne décédée

L’âge du défunt, la nature du lien que ce soit un conjoint, un parent, un enfant, un proche ou un ami, seront déterminants, mais également la nature des échanges en fin de vie, la qualité de la relation qu’elle ait été harmonieuse, conflictuelle ou ambivalente. Il est à noter que des conflits non réglés, générateurs de remords ou de culpabilité, auront un poids important au cours du deuil.

Par ailleurs, le vécu de la maladie ou du grand âge donnent une teinte singulière au deuil. S’il y a eu acceptation ou refus, si les proches ont le sentiment que la personne ne s’est pas suffisamment « battue » ou qu’elle a refusé certains soins, s’il y a eu des opinions différentes dans la famille sur les choix thérapeutiques, tous ces aspects marquent le deuil de façon évidente.

Les conditions appartenant à l’endeuillé

Les expériences passées de deuils plus ou moins difficiles ou un deuil en cours limitent bien souvent les capacités psychiques pour affronter à une souffrance nouvelle. Le sentiment de ne pouvoir faire face peut envahir la personne en deuil et limiter sa capacité à s’adapter à la perte, du moins dans un premier temps. De même, un état de santé fragile ou une personnalité en fragilité psychologique rendra le temps du deuil plus complexe.

D’autres éléments sont également déterminants, ce sont les pertes associées au décès de la personne proche, comme la nécessité de faire face au quotidien, la perte ou le maintien du foyer familial, du niveau social, des moyens financiers.

Nous pouvons voir ainsi qu’en énumérant quelques uns des paramètres qui conditionnent un deuil, que chaque vécu ne peut être que singulier, que chaque membre d’une même famille affectée par le décès d’un proche aura un parcours différent. Ces différences sont parfois source d’incompréhension, on peut avoir l’impression qu’untel semble ne pas souffrir, qu’un autre semble en faire trop, etc. Cela peut être en plus source de conflit qui peut être éviter en comprenant la situation unique de chacun.

Anila Trinlé

deuil

Ce que n’est pas la méditation

Il peut être utile parfois de définir une pratique comme la méditation par ce qu’elle n’est pas. Le mot méditation est en-lui même ambigu, il recouvre de nombreuses disciplines. Nous discutons ici de la méditation dans le cadre de la tradition bouddhique.

Faire le vide

Lorsque nous méditons, l’idée première est de se débarrasser de l’agitation. Les sensations, les pensées et les émotions viennent sans cesse perturber l’esprit et générer insatisfactions, manques et frustrations. La tentation est grande, pour éprouver le calme, de se débarrasser de ce chahut intérieur dans le but d’être enfin tranquille. Le fruit de la méditation serait alors un vide psychique qui ne serait encombré par rien.

En fait, l’esprit est un organisme vivant. Son mouvement est naturel et nourrit par l’habitude de saisir cette incessante activité. Ce ne sont pas les allées et venues des pensées qui sont un problème, c’est notre façon de nous y relier. Vouloir entraver les ressacs des pensées c’est commencer un combat avec l’esprit lui-même, c’est se couper d’une partie de nous-même.

Le propos n’est pas de bloquer le mouvement mais de l’accepter, de le laisser libre. A l’image d’une vague qui, ne rencontrant aucune entrave, vient mourir d’elle-même sur le rivage, les pensées se dissipent naturellement dès que l’on ne les nourrit plus, dès que nous les laissons libre. Le propos est d’accueillir les pensées pour ce qu’elles sont, de simples mouvements plutôt que d’écouter ce qu’elles nous disent.

Rechercher des expériences

Nous pouvons également prendre la méditation pour un espace d’expérimentation de sensations nouvelles. Nous sommes alors à la recherche de nouveaux ressentis : des impressions jamais vécues, du bien-être voire de la félicité, peut-être même des visions, des formes, des couleurs, des lumières…

Quand bien même des expériences viendraient fleurir notre méditation, qu’en ferions-nous par ailleurs ? Quelles seraient leur utilité sinon quelques attachements de plus et une pratique méditative motivée par la recherche d’expériences inédites ou la répétition de ce qui a déjà été éprouvé ?

Mais il y’a, ici, une ambiguité : une méditation bien menée génère toute sortes d’expériences. Il est dit qu’elles sont aussi nombreuses que les gouttes de rosée au lever du soleil. Elles s’évaporent néanmoins tout aussi rapidement. La question n’est pas de rechercher les expériences puisqu’elles s’élèveront de toute façon. Il s’agit, à l’inverse, de ne pas se laisser fasciner par elles. Elles ne sont que des moments de l’esprit, des dimensions cachées par l’agitation qui se révèlent naturellement.

Méditer consiste à changer de mode de connaissance, à se défaire des distractions (comme celle qui consiste à faire le vide, ou celle qui s’évertue à éprouver quelque chose de nouveau). Méditer c’est se donner l’opportunité de percevoir clairement nos fonctionnements confus pour s’en libérer. C’est bien la non distraction qui peut mener à la quiétude et à la clarté.

Se relaxer

Une confusion demeure : prendre la méditation pour de la relaxation. Le propos de la relaxation – comme son nom l’indique – est de relaxer corps et esprit. Pour nous qui sommes bien souvent très mentaux et ”coupés de nous-mêmes”, les multiples techniques de relaxation peuvent être un sas précieux pour méditer, une façon de se retrouver, de se relier à nous-même. Mais la pratique méditative va au-delà de cette détente psycho-physique, aussi profonde et riche soit-elle. On pourrait dire que la détente est une condition première à la méditation.

Méditer, c’est se familiariser à un un nouveau mode d’être, à un autre mode de connaissance. La quiétude n’est qu’une première étape qui mène au discernement. Nous parlons ici d’une façon de connaître qui va au-delà des sensations, des pensées et des émotions. Il s’agit de donner sa chance à l’esprit de se connaître autrement, tel qu’il est, sans confusion. Cela ne peut se fabriquer, cela se cultive.

Et donc

Ni faire le vide, ni chercher des expériences, ni se relaxer, la méditation est un entraînement à la non distraction et à la clarification de l‘esprit. Elle génère de nombreuses qualités applicables au quotidien : détente et disponibilité accrues, concentration et vigilance naturelle, par exemple. Mais le réel but de la méditation dans le cadre de la pratique bouddhique est de se rencontrer tel que l’on est, sans fard, sans masque. La méditation est une rencontre répétée avec nous-même, qui nous permet de nous reconnaître dans la multiplicité de nos réactions et de nos fonctionnements et de les pacifier afin de laisser émerger ces qualités inhérentes propres à l’humain que nous sommes.

Puntso

rechercher des expériences

Rechercher des expériences…

%d blogueurs aiment cette page :