La notion de respect de soi dans l’approche bouddhiste est singulière. Dans notre culture, la notion de respect de soi est souvent associée à la connaissance de ses propres limites et du fait de savoir les respecter, et de les faire respecter. Il s’agit de ne pas se laisser imposer des choses à faire ou à dire qui ne nous correspondent pas ou qui ne sont pas en accord avec nos convictions.
Le respect de soi commence par la connaissance de soi et l’acceptation de soi. Connaitre ses défauts, ses manquements, ses dysfonctionnements, etc, et savoir les accepter pour ce qu’ils sont, des lieux de travail.
Notre fonctionnement, basé sur la saisie d’un soi réellement existant, durable et autonome, nous amène à dépendre de nos représentations. Et nous sommes très attachés à nos représentations qui, pour nous, sont notre réalité.
Notre fonctionnement
L’être humain, riche d’un potentiel de sagesse et doté d’immenses qualités, est connaissant, capable d’expérimenter. C’est sa caractéristique même, mais sa manière de connaitre lui-même, les autres et le monde est limité, conditionné par un fonctionnement centré sur lui-même.
Lorsque nous disons « moi », de quoi s’agit-il au juste ? Nous sommes doté d’un corps, et au travers de nos sens, nous avons accès à nous-même, aux autres et à ce qui nous entoure. Notre rapport aux objets de perception s’établit sur base des différents fonctionnements de l’esprit, et nourrit par les émotions d’attraction, de répulsion ou d’indifférence, nous en avons une connaissance subjective.
Pour un même objet de perception, selon la personne qui l’éprouve, l’expérience peut être du domaine de l’attirance ou du rejet, du sentiment de supériorité ou d’infériorité, de la comparaison, de la réjouissance, de l’ouverture, de l’inquiétude, etc. Cela donne, au bout du compte, une attitude d’esprit faite d’un mélange d’événements mentaux qui peuvent être très sophistiqués et qui décident de notre réaction face à la situation rencontrée.
Ainsi, ce « moi » est une identification sans cesse répétée à un corps, support des expériences sensorielles, mentales et émotionnelles qui nous font expérimenter le monde, les autres et nous-même au travers du filtre de nos habitudes mentales. Cette identification est ce qui est appelé la saisie égocentrée, parfois traduit par ego, mais ce terme prête à confusion parce qu’il ne recouvre pas le même sens que dans l’approche occidentale.
Nous nous identifions à ce mode de connaissance, c’est-à-dire que nous limitons notre connaissance en nous identifiant à ce processus, alors qu’il y a plus à connaitre. Notre mode de connaissance est ainsi conditionné par nos perceptions et nos tendances. Ceci est fondé sur une méprise qui est surtout le fait de ne pas voir ce qui est véritablement.
Ce qui nous amène à voir, sur base de nos représentations, « notre » réalité que nous prenons pour « la » réalité. C’est un aspect que nous pouvons très facilement accepter conceptuellement, mais au quotidien, nous sommes fascinés par ce que nous percevons et pouvons difficilement, en situation, remettre en question notre perception des choses.
Nous sommes certain que ce que nous percevons est la réalité, que notre réaction émotionnelle dans une situation, quelle qu’elle soit, est justifiée par le comportement des autres. Pourtant, l’autre n’est que la circonstance de ma réaction émotionnelle, l’émotion m’appartient, comme il m’appartient de la voir ou pas, de la suivre ou pas, d’en assumer la responsabilité ou pas.
Il s’agit là d’une étape importante, parce que nous ne pouvons changer que ce que nous acceptons. Et accepter de reconnaitre, par exemple, que ce n’est pas l’autre qui m’énerve, mais que c’est moi qui m’énerve au contact de l’autre parce qu’il ne fait pas ou ne dit pas ce que j’attends de lui.
Il nous parait évident que les situations devraient se dérouler comme nous l’envisageons, parce que c’est « ainsi » que cela doit se passer ! Sans vraiment prendre en compte que tout ne dépend pas de nous, que tout change d’instant en instant et que nous sommes bien incapable de savoir ce qui se passera l’instant suivant…
Et pourtant nous continuons à penser que les choses devraient se passer comme « je » crois qu’elles devraient se dérouler. Et comme cela ne marche pas vraiment, nous réagissons avec colère et impatience !
Ce qui n’est pas un problème en soi, si ce n’est que cela génère de l’insatisfaction pour soi et pour les autres, si ce n’est que cela renforce notre tendance à réagir face à ce qui nous dérange par le rejet et que cela augmente encore et encore les causes de souffrance. D’où la proposition bouddhiste d’apprendre à appréhender notre fonctionnement avec bienveillance et douceur.
Se respecter, c’est respecter son éthique
L’éthique bouddhiste a pour but de nous permettre de faire des progrès sur le chemin. Pour ce faire, notre attention et notre vigilance sont appelées à être mobilisées pour reconnaitre ce qui, dans notre fonctionnement, nous éloigne du chemin et ce qui nous en rapproche.
L’éthique bouddhiste est basée sur le fait que nos actions, que ce soit au niveau du corps, de la parole ou de l’esprit, ont des conséquences pour nous-mêmes et pour ce qui nous entoure, les autres comme notre environnement. Il y a deux sortes d’actions, les actions positives et les actions négatives.
Les actions négatives sont celles qui prennent leurs racines dans les trois émotions perturbatrices que sont le désir/attachement, l’aversion et l’ignorance. Elles tendent à avoir des conséquences néfastes pour nous ou pour les autres.
Les actions positives sont celles qui sont exemptes d’émotions perturbatrices et qui, au contraire, sont motivées par la générosité, l’amour, la compassion et le discernement. Elles tendent à avoir des conséquences positives pour nous et/ou pour les autres.
Dans le bouddhisme, une action n’est ni bien ni mal en elle-même, mais est favorable ou défavorable selon la motivation et l’état d’esprit qui la sous-tend. Il s’agit de développer la conscience que les actes dans lesquels nous nous engageons nous éloignent ou nous rapprochent de notre but. Ce qui induit une clarification de notre motivation, qu’est-ce que je veux vraiment, vers quoi je souhaite aller et qu’est-ce que je suis prête à mettre en oeuvre pour y parvenir.
Sur base d’une conscience des conséquences de nos actions des corps, parole, esprit, il s’agit d’être attentif à ne pas se laisser emporter par les mouvements émotionnels qui nous traversent, mais s’entrainer, encore et encore, à ne pas les suivre. Cet entrainement se cultive dans la méditation et se décline dans nos relations au quotidien.
Le respect de soi comme respect de son éthique
En respectant l’éthique que nous choisissons, parce qu’elle est un soutien, un guide vers le but visé, nous nous respectons en ce sens que nous mettons en oeuvre ce qui est le plus important pour nous. Ce faisant, nous assumons la responsabilité de nos actes et de notre chemin.
De plus, c’est parce que nous posons ce regard bienveillant et vigilant sur nous-même que nous pouvons considérer les autres avec cette même vision. Ainsi, se respecter soi-même amène, de façon naturelle, à respecter les autres et leurs propres valeurs.
Se respecter, c’est vivre l’éthique, attentif à ne pas nuire et à accomplir le bienfait d’autrui, en considérant nos manques, en s’appuyant sur nos ressources et en cultivant une plus vaste connaissance de notre fonctionnement.
Trinlé
rose marie ortola
/ 2 juin 2014Merci de rappeler et rappeler encore , sans jugement, avec patience et soutien
Jérôme
/ 2 juin 2014Merci Trinlé. Puisse un jour tous ces si bons textes publiés sur le blog fournir la matière à un livre de référence et d’inspiration : les lire sur un écran de pc c’est bien, pouvoir les lire et s’en imprégner doucement, laisser infuser le sens en profondeur, s’accorder parfois un quart d’heure pour lire une page, tranquille, sous un arbre ou ailleurs, ce serait… bien aussi 🙂
Anila Trinlé
/ 4 juin 2014à réfléchir, merci…
sylvie jourde
/ 4 juin 2014comme le « hasard » est bien fait…..cet article parait la semaine ou je me suis enfin décidée a dire a mon employeur que j’arretais avec eux apres 6 mois en cdd travail de nuit, seule, a domicile aupres de personnes en fin de vie j’ai tiré plusieurs fois la sonnette d’alarme leur demandant un soutien psychologique que je n’ai pas obtenu je me suis beaucoup servie du dharma pour m’aider, mais j’ai du admettre apres beaucoup de questionnements que je devais cesser ce travail pourtant passionnant qui m’a beaucoup appris, car j’avais atteinds mes limites l’article sur le respect de soi me fait beaucoup de bien merci
Anila Trinlé
/ 4 juin 2014Ravie que cet article arrive au bon moment pour toi, c’est souvent difficile de faire un choix éclairé à propos d’une activité professionnelle passionnante, mais mal cadrée et insuffisamment encadrée
Je suppose qu’il t’a fallu beaucoup de courage pour prendre cette décision
Tous mes souhaits t’accompagnent dans ton cheminement