Cet article est issu de Buddha Weekly, un magasine en ligne (en anglais) qui explore les informations, les thèmes et les commentaires sur le bouddhisme partout dans le monde. Il est mené par Lee Kane qui nous a autorisé à publier la traduction française d’un article sur l’esprit (par contre les liens qui envoient à d’autres articles ou sites sont en anglais)
Nous publions cet article car il ouvre une réflexion sur l’esprit dont les conclusions permettent de clarifier le sens de la méditation et rendent pertinent certains aspects du bouddhisme qui apparaissent comme des croyances (le karma et la réincarnation per exemple).
L’idée de cette publication est d’ouvrir une champ de réflexion et, peut-être, de mieux comprendre l’enseignement du Bouddha.
Comment l’esprit est-il différent du cerveau ?
Il se pourrait que la science soutienne la thèse d’un esprit et un cerveau distincts
« Nous ne savons pas ce qu’est la conscience ou ce qu’elle fait » dit le Docteur Rupert Sheldrake, dans sa conférence L’esprit n’est pas le cerveau. « Il n’y a aucune raison connue, évidente du pourquoi nous devrions être conscients de quoi que ce soit, ou comment l’esprit fonctionne réellement. » Sa conclusion, basée sur des recherches significatives, fut : « … L’esprit est comme un espace. C’est-à-dire qu’il n’est pas limité à l’intérieur de la tête. »
Il y a une acceptation scientifique grandissante en faveur de la thèse de Monsieur Sheldrake, qu’il exposa en partie dans sa conférence. En fait, la science de la conscience est un des domaines les plus passionnants de la science aujourd’hui.
Le Professeur Eccles, prix Nobel en neurosciences, soutient la théorie selon laquelle l’esprit est une entité à part et ne peut être « réduit au seul fonctionnement d’une cellule cérébrale, » selon la Fondation : Horizon Research Foundation.
Un article sur le site de la Fondation affirme « nous ne serons jamais capables d’expliquer la création de la conscience au travers des fonctionnements électrique et chimique du cerveau. » Pour les sceptiques, il est important de réaliser que tous les articles sur le site web de la Fondation sont analysés ou préparés par des scientifiques directement impliqués dans la recherche.
Les Professeurs Karl Popper et John Eccles ont démontré que les recherches indiquent qu’un évènement conscient se produit avant l’évènement cérébral concerné, dans Le soi et son cerveau. Ces éminents scientifiques ont élaboré une théorie qui montre non seulement les évènements mentaux et conscients comme distincts du cerveau, mais aussi un esprit conscient distinct des deux.
La conscience continue-t-elle après la mort ?
Un article bien documenté, Approches vers la résolution du mystère de la conscience souligne la notion de conscience survivant à l’évidente mort cérébrale. « La conscience semble être présente chez 10-20 pour 100 de ceux qui sont en arrêt cardiaque. » L’auteur explique, « les cellules cérébrales ont besoin de communiquer en utilisant des pulsations électriques… Comment se fait-il alors que nous ayons un scénario clinique dans lequel il y a un sévère dysfonctionnement cérébral, le pire possible, et une absence d’activité électrique dans le cerveau, mais, en même temps, d’une certaine manière, un processus de pensée avec raisonnement, création de mémoire et conscience qui continue et est même intensifié ?
D’un point de vue bouddhiste, la dualité de l’esprit et du cerveau a été admise dès le début et, à certains égards, semble un soutien crucial pour les croyances essentielles bouddhistes, celles de la renaissance et du karma.
« Il y a de nombreuses explications à ce qu’est l’esprit et aux différentes sortes d’esprit, » dit Sa Sainteté le Dalaï Lama dans un discours en Angleterre en 2008. « Par exemple, il y a une différence dans le Bouddhisme entre les esprits primaires et les facteurs mentaux. » Sa Sainteté explique les deux catégories : « L’une est produite par la perception sensorielle qui est la condition qui la génère et l’autre est dépourvue de perception sensorielle qui est la condition qui la génère. »
Jusqu’à il y a peu, ces croyances ont été considérées comme essence de la foi, soutenues par autorité du Bouddha, et défendues avec éloquence dans le débat sur le Dharma [bouddhisme ndlr]. Un nombre croissant de scientifiques spécialisés dans la science de la conscience y apporte son soutien. Il se peut qu’une recherche prometteuse nous permette également d’ancrer le concept que nous avons de l’esprit, avec des preuves convaincantes.
Le Docteur Alexander Berzin, dans son discours La nature conventionnelle de l’esprit, décrivit cela de cette façon : « Vous pouvez décrire l’évènement d’après ce qui se passe physiquement – il y a le cerveau et l’histoire du chimique et de l’électrique – ou vous pouvez juste le décrire en termes d’expérience subjective. Donc nous parlons de l’expérience subjective lorsque nous parlons de l’esprit. » Il continua en expliquant que les quatre nobles vérités sont expérimentées par l’esprit.
Où est l’esprit ?
Monsieur Sheldrake, dans son discours L’esprit n’est pas le cerveau, est le premier à effleurer l’important débat « mais où est l’esprit ? » Il décrit l’esprit ressemblant à un espace, semblable au champ gravitationnel du monde, « qui s’étend bien au-delà de la terre. »
Ces espaces sont à l’intérieur et autour des systèmes qu’ils organisent, dit-il, renvoyant à des exemples tels que les aimants et la gravité qui s’étendent au-delà. « Et je pense que c’est également vrai pour nos esprits. »
« Si l’esprit est simplement le cerveau, ce qui est l’hypothèse normale dans les mondes universitaire et médical, » continue- t-il, « alors l’activité mentale n’est rien d’autre que l’activité cérébrale, » une notion qu’il déconstruisit alors avec minutie comme étant erronée. Il utilise un exemple élaboré du mécanisme de la vision, de la vue, décrivant en premier les mécanismes physiologiques et neurologiques, et démontrant ensuite les deux options claires qui expliquent comment nous « voyons » vraiment. Soit les images sont projetées à l’intérieur de notre crâne ou de notre cerveau sous la forme d’une « réalité virtuelle », soit elles sont exactement comme elles apparaissent, parce que l’esprit est capable de projeter ou voir au-delà du cerveau.
Il illustre ceci en posant la question, « Pouvez-vous influencer quelque chose rien qu’en le regardant ? » Il cite des recherches qui indiquent qu’environ 90 pour 100 des gens peuvent « sentir » que des personnes les regardent, même quand elles leur tournent le dos. Dans les recherches scientifiques, il y a des preuves écrasantes qu’il s’agit bien d’un phénomène authentique. Il illustre avec des exemples de formation dans l’industrie de la sécurité, où il est commun de former le personnel de sécurité à ne jamais regarder directement le dos d’un suspect.
Le Dalaï Lama exposa la nature de l’esprit lors d’un discours en 2014 à Cambridge : « En général, l’esprit peut être défini comme une entité qui a la nature de la simple expérience, c’est-à-dire, “ clarté et connaissance.“ C’est la nature connaissante, ou organisation, qui est appelée esprit, et ceci n’est pas physique. »
« La littérature bouddhiste, les soutras comme les tantras, est remplie de débats approfondis sur l’esprit et sa nature. Les tantras, en particulier, traitent des divers niveaux de subtilité de l’esprit et de la conscience… avec mention des diverses subtilités des niveaux de conscience et leur relation aux états physiologiques tels que les centres d’énergie vitale dans le corps, les canaux énergétiques, les énergies qui circulent en ceux-ci et ainsi de suite. »
La théorie de l’esprit espace
Le concept des canaux énergétiques et du corps énergétique – tel que décrit par Sa Sainteté – a été bien admis depuis des siècles dans la majorité des pays asiatiques. Dans la visualisation bouddhiste, dans certaines pratiques, esprit et énergie sont visualisés de manière naturelle comme étant séparés du corps. Ceci rejoint la science nouvellement émergente dans le domaine de la recherche sur la conscience.
S’alignant sur cette pensée ancienne, le Docteur Sheldrake – pionnier dans la théorie de la conscience-espace – explique l’esprit comme un espace semblable au champ de gravité. Il soutient cela avec des recherches approfondies, et illustre par des exemples tels que les vols d’oiseaux et les bancs de poissons, qui semblent presque communiquer par télépathie. Il fouille également dans les théories sur la particule quantique en soutien de sa propre théorie.
Pourquoi ceci est-il important ?
Le cerveau, en termes relatifs dualistes, est un outil physique, impermanent. L’esprit n’est pas impermanent. Ceci est mis en évidence de manière plausible par les recherches des Professeurs Popper et Eccles qui décrivent « Un esprit conscient » indépendant du cerveau, qui fonctionne même après l’arrêt cardiaque.
Un esprit conscient, survivant à l’arrêt cardiaque, est rassurant pour ceux d’entre nous qui croient que l’esprit survit à la mort. Bien que la renaissance soit soutenue par diverses autres recherches et études sur la mort imminente, la notion d’esprit conscient survivant à la mort physique ajoute une dimension nouvelle à la méditation sur la mort et à la pratique quotidienne.
Lee Kane
Merci à Marie_Charles Ferré pour sa traduction