L’éthique de l’accompagnement

L’éthique
Parler de l’éthique semble souvent affaire de spécialistes. Ce n’est pas faux, mais c’est tout de même un peu limité. La réflexion éthique nous concerne tous, elle concerne chacun d’entre nous, parce qu’elle conditionne notre manière d’être au monde.
Ce sont nos repères éthiques qui nous permettent de nous positionner pour faire nos choix dans nos relations, dans notre travail, dans nos loisirs. Bien sûr il y a la législation, les lois, bien sûr il y a un code de conduite favorable pour entretenir des relations saines, mais ce sont mes propres choix éthiques qui vont conditionner mon comportement dans la vie de tous les jours, comme dans des situations plus délicates que sont, par exemple, les situations de fin de vie.
Notre éducation, notre culture, notre tradition religieuse, notre spiritualité, nous apportent un cadre, des points de repère importants qui étayent des valeurs que nous validons. Cependant, il est important de souligner que, quel que soit le cadre choisi, c’est mon rapport à ce cadre qui donnera ou non sa pertinence à mes actions.
En effet, nos émotions, nos attachements ou nos rejets, nous amènent souvent à dévier de ce cadre. Ainsi, bien que j’ai l’intention de ne pas nuire aux autres, si une personne me dérange, m’importune, je peux tout à fait, sous le coup de l’impatience, de la colère, la rejeter sans grand ménagement, peut être même la blesser !
Du point de vue de l’enseignement du Bouddha, la mise en œuvre de l’éthique est affaire d’entrainement. Il s’agit de développer, petit à petit, un regard plus lucide sur nos actions, surtout sur ce qui les sous-tend. Quelle motivation, quelle intention, est à la base de mon attitude ? Quelles émotions, quelles attentes, viennent nourrir ou perturber l’intention première qui est de ne pas nuire ?

L’éthique de l’accompagnement
Quelle pourrait donc être l’éthique de l’accompagnant bouddhiste (ou non d’ailleurs) et sur quelles bases un pratiquant peut-il s’appuyer ?
Accompagner, vient d’un ancien mot « compain », qui signifie, partager le pain. Si on replace ce mot dans son contexte médiéval où la foi chrétienne était très présente, la symbolique du pain était associée à la vie. On parle du pain de la vie. Donc, accompagner, peut s’entendre sans ambiguité comme « partager un moment de vie ».
Accompagner signifie également cheminer avec, et cela induit de suivre le rythme de l’autre, d’accorder nos pas aux siens. C’est-à-dire, s’accorder à ses propres choix et respecter ses valeurs et priorités.
Accompagner, c’est aussi savoir écouter, c’est-à-dire d’entendre au-delà des mots mêmes, afin d’être plus ouvert à l’autre. Mais accompagner ne relève pas seulement d’un savoir-faire, c’est avant tout un savoir-être, et ce savoir-être se cultive.
Lorsque nous parlons d’être présent à une personne en souffrance, il s’agit en fait d’être conscient de ce que nous vivons à l’instant même de la présence, de développer la conscience de ce que vit l’autre, tout en étant présent à l’environnement, aussi bien structurel que relationnel de la personne accompagnée.
Ce regard intérieur se cultive dans la méditation, ce qui permet de développer une plus grande acuité sur nos fonctionnements.
Pour développer cette capacité à être réellement présent, il s’agit d’abord et avant tout d’être honnête avec nous-même, de développer la conscience de ce que nous ressentons. Que ce soit des pensées parasites, des émotions perturbatrices, des peurs, des doutes, nous sommes d’instant en instant traversés par de multiples états d’esprit qui nous éloignent de la conscience de l’instant présent. Ce qui n’est pas en soi un problème, c’est notre vécu ordinaire, l’essentiel est de nous en rendre compte, afin de ne pas nous laisser piéger par tous ces mouvements dans l’esprit.
Développer une conscience plus aiguë de notre fonctionnement permet de moins se laisser duper par nos interprétations premières. Il s’agit de prendre conscience que nous n’avons accès à notre propre réalité et à la réalité de l’autre qu’au travers de nos représentations.
Dit autrement, nous n’avons accès qu’à notre vision de la réalité, mais que nous prenons pour la réalité. À bien y regarder, nous savons que nous ne percevons pas tous la réalité de façon identique, pourtant, au cœur de la situation, nous sommes persuadés, de façon très instinctive, que c’est la réalité. En fait, notre vision est essentiellement subjective, même si l’objectivité participe à l’élaboration de notre vision.
Dans l’éthique bouddhiste, c’est un point essentiel que le pratiquant travaille au jour le jour.
Sur base d’une connaissance plus approfondie de notre fonctionnement, qui prend en compte nos propres limites, nous pouvons nous ouvrir à une réalité plus vaste. Ceci nous permet de ne pas figer la compréhension première que nous pouvons avoir du vécu et de la souffrance de l’autre, pour entendre ce qu’il souhaite nous dire.
C’est en développant un regard doux et généreux envers nos propres erreurs, nos propres dysfonctionnements, nos limites, que se développe la capacité à mettre en œuvre la bienveillance.

Trinlé

Les mots sont des grottes

Lorsque j’échange avec des étudiants qui commencent à s’intéresser au bouddhisme, je dois être vigilant aux mots que j’utilise. Souvent, lorsque je parle de la « foi » certains me reprennent : « Vous voulez dire confiance ? » Comme s’il y avait une défiance à l’égard de certains mots. 

Les mots ne sont pas neutres, ils ne véhiculent pas que leur seule signification. Un mot peut provoquer en nous toutes sortes d’émotions qui n’ont rien à voir avec son sens premier. Les mots suggèrent, évoquent et nous y associons vécus et ressentis malgré nous. Lorsque nous communiquons, nous n’émettons pas seulement des idées, nous exprimons aussi ce que nous sommes. 

Récemment, sur un réseau social, à l’occasion d’une discussion sur l’attention, quelqu’un a commenté : «  Ce serait bien de trouver une alternative à “vertu“ et “vertueux“ parce que sinon nous n’auront qu’une communauté de vieux pratiquants ou de bigots. » Nous associons à la plupart des mots entendus ou émis un sentiment agréable ou désagréable. Les mots s’adressent autant à l’affect qu’à l’intelligence et pas uniquement par effet de sens mais aussi par évocation. Souvent même, la réaction affective précède l’élaboration d’un sens par l’intelligence. Selon l’auditeur, le mot “foi“ ou “vertu“ peut générer des réactions émotionnelles très différentes avant même qu’il en ait précisé la signification en lui. 

Mais outre le vécu que chacun peut avoir des mots, ceux-ci ont également leur histoire, ils véhiculent une vision. 

  • Par son explication du monde et de son origine, par son approche de la souffrance et de ses causes avec des notions comme celle du karma, de la vacuité ou de l’interdépendance, le bouddhisme véhicule une vision profondément différente de la nôtre, occidentaux. 
  • Par ailleurs, l’enseignement du Bouddha est apparu en Inde puis est passé par le Tibet, le Japon, la Thaïlande ou d’autres pays encore. Les langues qui véhiculent le dharma (enseignement du Bouddha) se sont développées dans un contexte historique, géographique, social, philosophique et religieux bien spécifique. 

Pour comprendre le bouddhisme nous avons donc une double contrainte : appréhender une vision du monde profondément différente de la nôtre et tenir compte des  langues qui le véhiculent dont les connotations socio-culturelles sont sans comparaison avec celles du français. 

Hommage aux traducteurs qui se sont efforcés de trouver dans notre langue les vocables les plus appropriés pour nous amener à comprendre des concepts qui n’existaient pas dans nos cultures, dans nos religions, dans nos philosophies. Ils jonglent avec les contextes. Les termes comme émotion, ego, foi, vertu ou esprit, pour ne prendre que ces exemples-là, ne recouvrent pas le même sens que celui définit dans notre culture d’occidentaux. Il nous faut donc les redéfinir.

De ce fait, aborder le bouddhisme nous invite à revoir en profondeur nos représentations. Trouver le sens suppose d’aller au cœur des mots, de lâcher nos référentiels habituels, de découvrir une autre conception de l’individu que celle à laquelle nous adhérons. 

Prenons l’exemple du mot “foi“. Parfois, la connotation affective de ce terme nous pousse à associer la foi à une simple adhésion à des croyances, ou à devoir accepter des notions sans justification. Ce n’est pas toujours très rationnel, c’est du domaine du ressenti, le mot inquiète. Certains lui préfèrent confiance, qui véhicule un sens moins dense. Ce n’est pas pareil de dire de quelqu’un « J’ai confiance en lui. » que « J’ai foi en lui. » Du reste, les définitions des deux termes ne sont pas les mêmes. 

Dans le bouddhisme, la notion de foi est essentielle.  « Exactement comme une graine brulée est incapable de produire une pousse, de la même façon, un esprit dénué de foi est incapable de cultiver quoi que ce soit de bénéfique.» (le Bouddha) Mais, en aucun cas la foi n’est une condition première ; elle se cultive par la compréhension des qualités de son objet. C’est une profonde confiance basée sur la connaissance et la réflexion personnelle. Une foi a priori mène tôt ou tard à la déception. Jamais la foi, dans le bouddhisme, n’est croyance. Comme l’a dit le Bouddha lui-même : « Ne croyez rien de ce que je dis par simple respect pour moi, mais éprouvez-le et analysez-le par vous-mêmes comme si vous alliez acheter de l’or. »

De surcroit, il y a dans le bouddhisme la dimension de la non-dualité : il nous faut donc appréhender la foi dans un contexte où le sujet, l’objet et la relation entre les deux sont remis en question. Cela demande de lâcher nos préconceptions, de revisiter les notions et de comprendre leur environnement. 

Ce seul exemple, et ils sont nombreux, nous montre combien il est essentiel, lorsque nous abordons l’enseignement du Bouddha, de ne pas nous limiter à la compréhension première. C’est pour cette raison que dans sa pédagogie, le bouddhisme nous invite à une écoute ouverte et attentive suivie d’une réflexion minutieuse qui explore le sens de ce qui a été entendu, qui éprouve nos conceptions, nos représentations et les ressentis qui les accompagnent. Un sens nouveau se révèle alors, un sens à éprouver dans l’expérience personnelle. 

Comme le dit Jigmé Rinpoché : « Pour accéder au sens profond des mots, il faut commencer par dépasser leur signification première et les apparentes contradictions relatives à un niveau de compréhension superficiel. Un mot est comme une grotte qui, tout en s’enfonçant, se ramifie continuellement. Au lieu de rester à la surface des mots, utilisons-les pour approfondir notre réflexion. Celle-ci nous conduira à une expérience et une compréhension profondes. » 

Cette courte réflexion pose la question plus générale de l’altérité : aller à la rencontre de l’autre, c’est aller à la rencontre de nos représentations.

Puntso

PS : les deux citations du Bouddha sont issues des soutras

La motivation

Pourquoi j’agis ainsi ? Pourquoi je réponds cela ? Qu’est-ce qui me motive ? Vers où je vais ? Quel est mon but, réellement ? Et qu’est-ce que je suis prête à mettre en oeuvre pour y parvenir ? Toutes ces questions autour de la motivation se posent régulièrement, pourquoi ? pour quoi ? vers quoi ?

Pourquoi ?

La motivation est au coeur de toute démarche, de toute relation, elle conditionne notre façon d’être au monde. La motivation donne la direction, confère une intensité et permet à toute action de se déployer dans la durée. C’est le pourquoi nous faisons les choses qui détermine comment nous les faisons. Toute motivation est faite de notre histoire de vie, de nos représentations et des croyances qui les accompagnent, elle est colorée par nos émotions et nos habitudes mentales, elle est marquée par notre besoin de reconnaissance et nos attentes, elle est nourrie par notre bienveillance, notre patience, notre intérêt pour les autres. Il s’agit là de toutes les motivations du quotidien, tantôt émotionnelles, tantôt généreuses, parfois très claires et parfois assez confuses. Elles sont un lieu privilégié de rencontre avec nous-mêmes.

Il n’est rien que nous fassions, rien que nous pensions, rien que nous envisagions qui ne soit sous-tendu par notre motivation. Lorsque nous parlons de motivation, nous parlons ici de ce mouvement profond en nous, expression de notre vision du monde, qui nous fait agir, penser, réfléchir, parler.

Pour aborder cette réflexion, il s’agit dans un premier temps de clarifier la vision que nous avons de nous-même, du monde et de notre relation aux autres. En fonction de chacun, les composantes de notre motivation seront différentes. C’est un aspect important à considérer : notre motivation est composée de diverses attentes, dont certaines ne sont pas nécessairement évidentes, d’un besoin de reconnaissance bien naturel mais parfois exacerbé, composée également d’un ou plusieurs objectifs à atteindre, d’aspirations à satisfaire, etc. En fait, ce qui nous motive est l’expression de notre vision et de nos représentations.

Quoi que nous fassions, c’est porté, soutenu, par notre représentation de la situation, de ce que nous devrions être dans la situation et de ce devrait être la réaction de l’autre dans la relation. Quelle conscience en avons-nous et sommes-nous certains que ce n’est que notre version de la situation ?

Quelle vision ai-je de moi-même ? Comment je me représente le monde ? Qu’est-ce que j’attends de mes relations ? Qu’est-ce que je souhaite être dans ce monde ?  Pourquoi suis-je investi dans une réflexion sur la présence à l’autre et à moi-même ?

Autant de questions qui nous permettent de clarifier notre motivation. Cependant, il est important de garder à l’esprit que certains aspects constitutifs de notre motivation ne nous sont guère accessibles dans un premier temps. Ils sont issus de notre histoire personnelle, de nos tendances, de nos croyances et de nos représentations pas toujours très claires.

Par ailleurs, il est facile de constater que notre motivation est instable, impermanente. Certains jours, nous sommes prêts à affronter bien des obstacles pour parvenir à accomplir telle ou telle activité et, d’autres fois, nous éprouvons même des difficultés à sortir de notre lit… Ce qui nous motivait un jour, ne nous intéresse plus quelques temps plus tard. Pourquoi ? Peut-être parce que certaines composantes de notre motivation n’ont pas été nourries selon nos attentes, et nous ne trouvons alors plus d’intérêt à cette activité.

En fait, nous pourrions résumer ces questions, en « pourquoi » et « pour quoi » nous accomplissons certaines actions et pas d’autres. Qu’est-ce qui fonde notre motivation et vers quoi souhaitons-nous aller ? D’où partons-nous et où allons-nous ?

Nous ne sommes pas toujours très clairs avec tous ces aspects, parce que nous faisons bien souvent les choses de manière habituelle, automatique. Nous avons du mal à voir d’où émerge notre façon d’entrer en relation avec telle ou telle situation, parce que cela nous semble évident que c’est « ainsi » qu’il s’agit de l’aborder. Nous sommes soumis à nos représentations, à nos croyances, à nos a priori sans les considérer. Et c’est naturel, parce que cela ne nous est pas immédiatement accessible. C’est en cela que la déception est une alliée, parce qu’elle nous révèle des attentes non vues.

Pour quoi ?

La motivation pose également la question d’un « pour quoi » plus fondamental : que voulons-nous vraiment récolter au bout du compte, quelle est notre visée à long terme ? Nous pouvons vivre et faire les choses dans le but d’aller bien, ou tout au moins, pour aller mieux. Nous pouvons avoir une perspective plus vaste, avec une visée spirituelle, par exemple centrée sur notre propre libération ou basée sur le souhait d’accomplir le bienfait de tous les êtres.

Pour certains, ce « pour quoi » reste vague, pour d’autres il donne un sens à ce qu’ils vivent. En tous cas, ces deux niveaux de motivation vont s’imprégner l’un l’autre. Pour développer une présence de qualité, clarifier encore et encore nos motivations est la condition première.

Conscient des enjeux relationnels et désireux d’être utile au monde et aux êtres, nous pouvons souhaiter être un « bon humain » généreux et attentif, une « bonne personne » nourrie par un humanisme porteur de valeurs altruistes.

Ayant rencontré les limites de nos représentations et de nos émotions, nous pouvons nourrir le souhait de sortir d’un fonctionnement qui génère insatisfaction et souffrance et souhaiter en être libéré.

Ayant vu que les tous êtres désirent être heureux et considérant leur souffrance, nous pouvons avoir le profond souhait que nous-même et tous les êtres soient libérés de l’insatisfaction et de la souffrance, que tous connaissent le bonheur et ses causes. C’est ce qui est appelé la bodhicitta ou esprit d’éveil dans l’enseignement bouddhique.

Quel que soit notre but, c’est le rappel de cet objectif qui nous permet d’accepter l’imperfection d’une situation et de mettre en œuvre  le courage de traverser nos difficultés, parce que cela fait sens pour nous. C’est ainsi que les entraves, s’inscrivant dans un processus de développement et de clarification, se vivent moins comme des obstacles que comme des étapes de l’entrainement.

Clarifier notre motivation, c’est donc d’une part faire le point sur notre fonctionnement et d’autre part définir avec clarté le but que nous souhaitons atteindre.

Trinlé

La distraction, une opportunité de clarté

Toutes les traditions bouddhistes s’accordent pour dire que la méditation a d’abord pour but de pacifier l’esprit et de le clarifier. Nous ne pouvons, de fait, fabriquer une sérénité de l’esprit. Il nous faut rassembler les conditions pour que, de lui-même, l’esprit se pacifie. Quand à la clarté, elle est discernement, compréhension. La méditation permet de voir et d’identifier progressivement les fonctionnements de l’esprit, ce qui se passe en deçà de ce que nous pouvons percevoir maintenant.

Quand on commence à méditer, la première rencontre est celle de l’agitation, une sorte de chaos intérieur fait d’images, de pensées, de sensations… Alors que l’instruction nous demande de rester centré sur la respiration, à peine nous sommes nous posé sur le souffle que déjà nous sommes emporté par le flot des pensées. C’est la distraction. La distraction est une processus assez simple : nous sommes sensé rester conscient de la respiration, mais, par habitude, nous suivons le discours des pensées.

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La distraction est causée d’abord par les stimuli sensoriels extérieurs : les bruits, les mouvements, les voix, les odeurs, etc. Au début, il est impossible de ne pas être pris par tout ce qui se passe dans notre environnement. Mais, progressivement, nous pouvons nous émanciper de l’influence des distractions extérieures.

Comme nous sommes très forts, nous arrivons à nous distraire nous-mêmes. Nous sommes distraits par notre propre discours intérieur. Généralement, au quotidien, nous sautons d’un sujet à l’autre, d’une idée à l’autre, discutant avec nous-même sans fin : souvenirs, projets, commentaires. C’est une habitude profondément ancrée qu’il nous faut d’abord identifier et reconnaître. Mais alors même que, durant la méditation, nous essayons de la voir, elle nous emporte. Au final, la session de méditation se passe plus en errance mentale qu’en présence à soi-même.

Et c’est naturel… D’accord, mais comment faire ?

Il est un moment privilégié dans la méditation, un instant clé. C’est le moment magique où nous nous rendons comptes que nous sommes en train de penser. Evidemment : ce n’est pas parce que nous avons décidé de méditer, que tout à coup les pensées vont s’arrêter ou que l’on sera capable d’en apprécier le mouvement sans le suivre. La distraction fait partie du processus méditatif. Mais quel que soit le nombre de fois où nous nous égarons et la durée durant laquelle nous errons, arrive toujours le moment où l’on voit et l’on se dit : « Je suis en train de penser. »

Le moment clé est là : c’est à cet instant que nous avons l’opportunité de revenir à la respiration, de nous (re)poser sur le support. Et bien non ! C’est alors que nous commençons à en rajouter, jugeant notre méditation mauvaise puisque nous sommes distrait, râlant peut être contre notre incapacité à rester stable, maugréant sans doute contre ces pensées qui jamais ne s’arrêtent. Ce faisant, nous ne nous rendons pas compte que nous rajoutons de la pensée à la danse des concepts. Nous nourrissons alors la distraction avec ce secret espoir de ne plus en avoir, de pensées. Chercher une méditation sans pensées est le must de la distraction !

Proposition : à cet instant privilégié de clarté où nous nous rendons compte que nous sommes distrait, réjouissons nous de voir.   En général, c’est à ce moment là que nous jugeons notre méditation, c’est alors que nous commentons ce qui se passe. Nous sommes plus occupé par la distraction elle-même que par le fait d’en être conscient. Or, cet espace de reconnaissance est notre chance de prolonger la clarté, en revenant doucement et avec rigueur à la respiration. Ne le ratons pas : ce moment de clarté est le germe d’une vigilance qui peut s’accroitre si nous ne l’encombrons pas de nos commentaires inutiles. Ce retour instantané à la conscience est le pivot de la méditation, l’espace qui rend possible l’attention, le lieu de l’entrainement.

Un jour, j’ai demandé à une ado qui s’entrainait à méditer ce qu’était pour elle la méditation. Elle m’a répondu : c’est revenir. Elle avait raison ! C’est en appréciant les instants de clarté, de reconnaissance de nos errances mentales que nous pouvons revenir à l’attention et laisser les mouvements de l’esprit libres. C’est alors que, peu à peu, l’esprit se pacifie, de lui-même.

Puntso

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